Contribution du groupe écologiste du Département du Nord déposée le mardi 02 avril sur le registre numérique Canal Seine-Nord Europe :
Contribution du groupe écologiste au Département du Nord concernant l’enquête publique CANAL SEINE-NORD EUROPE – ENQUÊTE ENVIRONNEMENTALE SUR LA SECTION DE PASSEL À AUBENCHEUL-AU-BAC.
Le groupe écologiste souhaite exprimer un avis défavorable à la réalisation du projet de Canal Seine-Nord Europe tel qu’il nous est aujourd’hui présenté, pour les 2 raisons suivantes :
1. Insuffisante prise en compte des conséquences du changement climatique, en particulier des pressions sur la ressource en eau dans un contexte possiblement à +4 degrés ;
2. Insuffisantes garanties sur les compensations environnementales du projet.
En préambule à cette contribution, nous tenons également à exprimer nos plus grands doutes sur la réussite économique de ce projet, si d’autres conditions ne sont pas réunies. Nous sommes en effet favorables au transport par voie fluviale comme au transport par voie ferroviaire, tous deux moins polluants que le transport routier qui pèse actuellement trop lourdement dans notre région. Cependant, le report modal vers le transport fluvial ne sera réellement possible qu’à partir du moment où des freins seront posés au développement du transport routier par la mise en place d’une redevance kilométrique poids-lourds ambitieuse, et par l’amélioration des inter-connections entre le fret ferroviaire et le fluvial (cf rapport de l’ ESSEC pour l’ADULM 2022).
Par ailleurs, nous soutenons la reconnaissance de la batellerie comme élément patrimonial majeur dans la culture et l’histoire sociale et économique de notre région. Il ne faudrait pas que ce patrimoine, et les acteurs locaux qui le font vivre, fassent les frais d’un projet qui privilégie le gigantisme d’un modèle international standardisé. Cette dimension patrimoniale, sociale et culturelle ne doit pas être oubliée et nous invitons le porteur du projet “Canal Seine-Nord Europe” à s’en saisir davantage.
Nos interrogations à l’égard de la présente enquête environnementale motivant notre avis défavorable :
1. Insuffisante prise en compte du changement climatique.
Notre région a connu plusieurs années de sécheresses consécutives et cet hiver de graves inondations. Notre territoire présente une grande vulnérabilité face aux conséquences du changement climatique. Le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires recommande désormais d’envisager les politiques d’adaptation des territoires dans l’hypothèse d’une augmentation des températures de +4 degrés, avec des phénomènes climatiques plus extrêmes et plus récurrents. Cet état de fait est ignoré dans l’étude d’impact de l’infrastructure du canal Seine-Nord, dont “l’actualisation” consiste principalement en la compilation d’études d’impacts sectorielles plus récentes. Il nous semble donc imprudent de valider cette enquête environnementale sans une véritable étude d’impact actualisée tenant compte des connaissances scientifiques actuelles sur le changement climatique. Nous recommandons que cette étude d’impact puisse être menée par une expertise indépendante et tienne compte des travaux du CESER sur la ressource en eau. Nous regrettons par ailleurs que la démarche de “COP régionale”, telle que recommandée par Madame Borne quand elle était Première Ministre, n’a pas permis de conduire, en Hauts-de-France, des travaux utiles à l’analyse des impacts du canal Seine-Nord Europe.
2. Insuffisantes garanties sur les compensations environnementales du projet.
Les mesures de compensations prévues, obligatoires depuis la démarche ERC (Eviter – Réduire – Compenser) sont bien présentées dans le dossier d’enquête publique. Elles ne doivent cependant pas faire oublier qu’elles ne répareront jamais les dégâts colossaux de ce chantier :
– la gestion de matériaux excédentaires du chantier représente un volume record de terres excavées, dont le niveau de pollution réel n’est à ce jour pas connu (cette information est bien indiquée dans le dossier);
– Au moins 82 espèces protégées vivent sur le trajet du canal, l’emprise du projet est constituée d’espaces naturels ou agricoles dont des zones Natura 2000, des sites de reproduction et d’habitat d’espèces protégées. Or, nombre d’études montrent que la plupart des opérations de compensation n’évite pas la perte de diversité, la richesse et la qualité des écosystèmes étant corrélées à leur ancienneté.
Les perspectives sur le long terme, tant en observation qu’en gestion après le chantier, ne sont pas envisagées ou sont renvoyées à des concertations futures. Par exemple, il est prévu la restitution au monde agricole des terres de remblais. Au-delà du fait que cela ne tient pas compte de l’hypothèse de forte pollution de ces terres, quel type d’agriculture sera réellement possible dans un territoire souffrant de pénurie d’eau ? Renvoyer cette question à de futures concertations avec le monde agricole sans plus de précisions n’est pas responsable.
Nous dénonçons donc la “légèreté” du dossier d’enquête publique sur ce point et demandons un rapport d’analyse complémentaire, avec des recommandations précises sur les pratiques agricoles qui seront envisageables ou pas, après le chantier du canal.
En tout état de cause, les formes d’agriculture nécessitant des compléments d’irrigation seront à proscrire, car elles viendraient nécessairement en contradiction avec les hypothèses “Eviter – Réduire – Compenser” présentées dans ce rapport.
Pour télécharger notre contribution :
Pour aller plus loin, retrouvez nos dernières interventions sur le Canal Seine-Nord Europe :
Enquête publique environnementale du Canal Seine-Nord Europe – Groupe écologiste Nord – 27 mars 2024