Enquête publique environnementale du Canal Seine-Nord Europe

Rapport n° DGAST/SG/2024/121 : Avis du Département du Nord sur la demande d’autorisation environnementale déposée par la  Société  du  Canal  Seine-Nord  Europe  pour  les  travaux  nécessaires  à  la  réalisation  et  à l’exploitation du canal à grand gabarit Seine-Nord Europe sur les secteurs n°2 à 6 de Passel dans l’Oise à Aubencheul-au-Bac dans le Nord

Contre – Intervention d’Anne Mikolajczak

Monsieur le président, chèr·es collègues

Cette délibération propose d’émettre un avis favorable sans réserve du Département du Nord à la demande d’autorisation environnementale déposée par la société du Canal Seine Nord Europe, pour les  travaux  nécessaires  à  la  réalisation et à l’exploitation du canal de Passel dans l’Oise à Aubencheul-au-Bac dans le Nord. Le groupe écologiste ayant plusieurs réserves sur le projet de Canal Seine Nord Europe dans sa forme actuelle, nous voterons contre cette délibération.

Une remarque sur la forme, tout d’abord : nous déplorons que le projet de Canal ne fasse pas l’objet d’une présentation détaillée en conseil départemental, comme nous l’avions demandé et comme cela a pû être fait devant les conseillers départementaux de la Somme. Vous nous aviez répondu, Monsieur le Président, que le projet n’arrivant pas tout de suite dans le Nord, la présentation aurait lieu plus tard. Mais plus tard n’est jamais arrivé et nous nous retrouvons donc aujourd’hui à devoir émettre un avis favorable sans réserve… 

Des réserves, le groupe écologiste en a, concernant la gestion de matériaux excédentaires alors que le chantier du Canal représente un volume record de terres excavées, mais surtout à propos des compensations environnementales. Au moins 82 espèces protégées habitent sur le trajet du canal. Les mesures de compensation prévues, obligatoires depuis la démarche ERC (éviter-réduire-compenser), ne répareront jamais les dégâts colossaux de ce chantier. Nombre d’études montrent que la plupart des opérations de compensation n’évite pas la perte de diversité, la qualité écologique des écosystèmes étant corrélée à leur ancienneté.

L’ emprise du projet est de 3 100 hectares, en grande partie constituée d’espaces naturels ou agricoles, dont des zones Natura 2000, des sites de reproduction et d’habitat d’espèces protégées, etc.
Nous dénonçons également la méthode. Faire appel à des entreprises de terrassement par le biais d’appels d’offres plutôt que de s’inscrire dans une démarche plus participative et ouverte aux citoyen·nes, en faisant appel au tissu d’associations environnementales de notre région, quelle occasion manquée ! Nous pouvions par exemple faire appel à des acteurs tels que le conservatoire botanique de Bailleul, qui dispose d’une véritable expertise en la matière.
Les compensations environnementales doivent tenir compte des bouleversements climatiques en cours et qui vont s’accentuer. Notre région est déjà confrontée aux inondations, aux sécheresses successives, les espèces d’arbres qui vivront sur notre sol dans 50 ans ne sont pas celles qui nous entourent aujourd’hui. Ce n’est pas une mince affaire et c’est dans cette perspective qu’il faut envisager les conséquences de la mise en service du Canal.

Comprenons-nous bien, les écologistes sont favorables au mode fluvial autant qu’au ferroviaire, tous deux moins énergivores et polluants que le routier. Et certains aspects du projet de Canal Seine Nord Europe semblent positifs à cet égard, ce qui nous amène par exemple à voter pour la convention  de  partenariat  avec la Société  du  Canal pour la mise en tourisme, qui vient d’être adoptée. 

Mais plusieurs conditions de réussite ne sont aujourd’hui pas réunies, à commencer par le report modal de la route vers le fluvial. Le canal sera principalement dédié au transport de vrac “pondéreux”, quand le transport routier ne répond pas aux mêmes besoins. D’après la société du CSNE elle-même, pour encourager un véritable report modal, il faudrait mettre en place une redevance kilométrique poids-lourds ambitieuse, ce que refuse la majorité de droite au conseil régional des Hauts-de-France qui soutient au contraire toujours plus le développement du trafic routier et des plateformes logistiques desservies par la route. 

Le groupe écologiste votera donc contre cette délibération et propose de geler la contribution du Département du Nord au Canal Seine Nord Europe dans l’attente d’un recalibrage du projet. Et nous ferons bien sûr part de notre contribution à l’enquête publique environnementale en cours.