Budget Primitif 2023 – volet « Solidarités humaines »

Budget Primitif 2023 – Budget Principal Rapport n° DFCG/2023/59

Vote Contre – Interventions de Laurent Perin et Simon Jamelin
pour le groupe écologiste Europe Ecologie Les Verts – Génération.S

Laurent Perin – Intervention sur les Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile et l’Aide Sociale à l’Enfance :

Monsieur le Président, 

Chèr.es collègues,

Une intervention à deux voix : pour ma part, au titre de plusieurs politiques publiques relevant des « solidarités humaines », notamment la politique d’insertion, enfance, et autonomie des séniors, puis mon collègue Simon Jamelin interviendra sur la politique éducation et les collèges.

Un des premiers éléments sur lequel vous appuyez votre politique d’insertion est votre satisfecit sur la baisse du nombre d’allocataires du RSA pour le département du Nord. En mettant en avant plusieurs initiatives avec pour seule logique l’insertion professionnelle (comme le coaching emplois, Réussir sans attendre), oubliant de fait, l’insertion sociale, vous omettez de dire, qu’il y a un contexte national de baisse du nombre d’allocataires du RSA et que vous n’avez rien engagé sur le non-recours au RSA.

Pire, nous n’avons pas d’élément sur la nature de retour à l’emploi : emploi pérenne ou précaire, emploi adapté aux compétences et qualifications ou emploi contraint.

Nous vous avons également interrogé à plusieurs reprises et notamment en amont de cette séance budgétaire avec nos collègues communistes et socialistes, sur le nombre de radiations de foyers allocataires du RSA. Cette donnée, non confidentielle, devrait être mise à disposition pour pouvoir qualifier, précisément et en toute transparence, les sorties du RSA.

Votre politique de « retour à l’emploi » se fait au détriment de l’accompagnement social dont une partie des allocataires du RSA a avant tout besoin. Vous restez dans une logique comptable et gestionnaire qui, de fait, privilégie le retour à l’emploi des allocataires RSA qui en sont proches, aux dépens de celles et ceux qui en sont éloignés. Nous l’avions constaté avec un appel à projet insertion et emploi 2022-2025 en baisse de 4,6 millions d’euros, par rapport au précédent appel, dans le soutien aux « partenaires ».

Vous indiquez également que l’année 2023 sera celle de la mise en œuvre du Contrat à Impact Social avec l’opérateur Positiv Planet pour lequel vous inscrivez d’ores et déjà 1,8 million d’euros au budget 2023. Comme nous le disions lors de l’adoption de la délibération de présentation et comme le précisera Mael Guiziou en commission permanente, il ne nous paraît pas responsable d’engager le Département dans un programme sans réelle innovation en matière d’accompagnement social, avec un montage financier flou et exotique, et d’un budget total de 5,1 millions d’euros.

Concernant la politique enfance famille jeunesse, vous indiquez un budget primitif 2023 en hausse de 57 millions d’euros, mais cela est principalement lié à l’application des revalorisations salariales liées au Ségur de la santé, à l’application de la loi Taquet, et constitue également un rattrapage des baisses de moyens du précédent mandat : pour rappel, au mandat précédent, plus de 300 postes de travailleurs sociaux et médico-sociaux et 700 places en foyer ont été supprimées et le financement de nombreux clubs de prévention s’est arrêté.

Avec un tel budget, nous sommes encore loin du compte sur une des compétences essentielles du département.

En novembre dernier, la Défenseure des droits Claire Hédon s’est d’ailleurs saisie d’office de la situation rencontrée par les services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) dans le Nord et la Somme. L’autorité administrative indépendante pointait le « manque de places en foyer et d’assistants familiaux », « des placements non exécutés », des délais parfois supérieurs à six mois pour les mesures d’assistance éducative en milieu ouvert ou encore des « ruptures dans les parcours des enfants ». Pouvez-vous nous indiquer où en est l’enquête contradictoire ? Le département du Nord a-t-il déjà été interrogé ?

Sans attendre, nous demandons de renforcer les moyens pour la prévention et la protection de l’enfance à la hauteur des besoins, notamment en augmentant le nombre de travailleurs sociaux et médico-sociaux de terrains, et pour assumer l’ensemble des mesures de placement ordonnées par les Juges des Enfants.

Par ailleurs, où en sommes-nous de la mise en place d’un comité départemental de protection de l’enfance (CDPE) dans le Nord ? Dans le Pas-de-Calais, le premier CDPE de France s’est réuni le 2 février dernier. Cette nouvelle instance stratégique vise à faciliter la concertation et la coordination entre acteurs de la protection de l’enfance (Département, ARS, Etat, tribunal judiciaire, MDPH, CAF, CPAM, MSA, associations). Il nous apparaît important de mettre en place dans les meilleurs délais ce comité.

Sur les enjeux si fondamentaux de lutte contre les spirales d’exclusion, il nous semble essentiel de s’inspirer de tous les dispositifs innovants dans d’autres départements. En ce sens, nous vous invitons à étudier attentivement le dispositif mis en place par le département d’Ille-et-Villaine avec l’expérimentation d’un revenu de base avec, pour premiers bénéficiaires, les jeunes entre 18 et 25 ans sortant des dispositifs de l’Aide sociale à l’enfance.Il s’agit de donner à ce public, fragilisé par une enfance malmenée et ne pouvant s’appuyer sur le soutien familial, les moyens de son émancipation et de conquête de sa place dans la société.

Concernant la délégation autonomie des séniors, nous revenons tout particulièrement sur la situation des Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile (SAAD). Même si vous mettez en avant un soutien aux partenaires (augmentation d’un euro de la prestation horaire par la CNSA et d’un euro supplémentaire par le Département ; financement de la démarche qualité ; versement d’avances aux services) et une participation à la revalorisation des salaires du secteur, aujourd’hui l’inquiétude est réelle sur ces métiers indispensables à la société, en premières lignes des défis économiques et sanitaires de ces dernières années, et qui méritent une juste reconnaissance financière.

Dans notre département, le compte n’y est pas. Pour preuve, les différentes alertes que nous avons reçues, notamment celle du conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA) via une motion adoptée le 24 janvier dernier. Nous demandons donc la mise en place d’un fond d’urgence pour combler les déficits structurels des SAAD (services d’aide et d’accompagnement à domicile; La réalisation d’une expertise sur le coût réel d’une prestation à domicile en fonction des réalités économiques des services, par un cabinet d’experts indépendant et un renforcement de la formation des personnels.

Enfin sur les dotations « qualité » mises en place en 2022, pouvez-vous nous apporter un premier bilan et notamment sur les difficultés des SAAD (services d’aide et d’accompagnement à domicile) à répondre aux critères établis pour être éligible.

Sur la tarification des établissements et services sociaux et médico-sociaux : Selon une étude de la fédération hospitalière de France, 85% des EHPAD publics sont concernés par un déficit prévisionnel en 2023 (alors que 40 à

45% seulement en 2018) essentiellement lié à l’inflation, la revalorisation des salaires partiellement compensée, un taux d’occupation conjoncturel en baisse. Le département du Nord ne fera pas exception : Nous avons déjà été alertés sur les difficultés de plusieurs établissements dans le département. Les compensations financières des pouvoirs publics étant partielles et incertaines, il nous semble important que le Département propose un dispositif spécifique répondant à cette situation budgétaire intenable. Les éléments présentés dans le budget prévisionnel 2023, avec un taux d’évolution de 3% pour les structures hébergeant des personnes âgées, ne nous semblent pas à la hauteur de la situation.

Enfin, je ne peux terminer cette intervention sans rappeler que bon nombre de professionnel.le.s et agent.e.s du Département sont encore les oubliés des nombreux dispositifs de revalorisation salariale. En bref, “les oubliés du Ségur”. Il nous semble indispensable et urgent de reconnaître le travail essentiel des secrétaires médico-sociales, coordinateurs socio-administratifs et agents d’accueil des Maisons Nord Solidarité et des Services Prévention Santé. Ils et elles sont en première ligne et sont un maillon essentiel pour mener les politiques solidaires de notre département.

Simon Jamelin – Intervention sur l’Education et les Collèges :

Monsieur le Président, chers collègues, 

Je profite de cette intervention sur les solidarités humaines pour faire un focus sur l’une des compétences essentielles de notre département,  la gestion des collèges et l’accueil des collégiennes et collégiens du Nord. 

Vous nous annoncez un budget annuel de plus de 195 millions d’euros dont 83 millions consacrés à l’investissement, soit un budget en hausse de plus de 22 millions d’euros hors ressources humaines et une hausse des investissements de plus d’1 million et demi d’euros. 

Vous le savez, il y a plusieurs manières de présenter des chiffres et vous avez fait le choix de mettre en avant la hausse, importante, de votre budget. 

Même si je n’ai pas trop de difficulté à comprendre les chiffres que vous mettez en avant, je ne suis pas comptable et je m’efforce de compter en niveau de service rendu aux nordistes. Je me suis donc posé une question essentielle : votre budget traduit-il une baisse, un maintien, ou une hausse du niveau de service rendu aux collégiennes et collégiens du Nord ? 

Certes, le budget éducation est en hausse de plus de 22 millions mais avec une hausse mécanique du coût des fluides en raison de l’inflation de 20,4 millions, il ne reste plus qu’une hausse réelle d’1 million et demi d’euros. Et encore ! L’impact de l’inflation se ressent sur tout et pas seulement sur les fluides : achat de matériel, travaux, déplacements (pour être court la seule chose qui ne suit pas l’inflation c’est le salaire des agents). On peut donc  raisonnablement évaluer l’augmentation réelle de ce budget à  moins d’1 million, soit 0,5 % . 

On est donc bien loin de la hausse majeure que vous mettez en avant, mais nous vous le reconnaissons volontiers, on assiste avec ce budget à un maintien du niveau de service. Mais est-ce bien suffisant ? En refusant d’investir massivement dans la rénovation énergétique de nos collèges, vous nous avez rendus plus vulnérables à l’inflation et ce budget ne fait pas exception.

 Avec cette logique nous allons avoir de plus en plus de mal à maintenir le niveau de service rendu (et je ne parle même pas de l’augmenter). Avec cette logique, c’est en réalité à un grignotage mécanique du niveau de service rendu que nous assisterons année après année et nous craignons qu’à la fin de cette mandature, le niveau de service rendu au collégiens de 2028 soit bien plus faible que celui rendu aux collégiens de 2021. 

Une nouveauté à noter dans ce budget éducation, et nous souhaitons la saluer : l’apparition d’une ligne budgétaire de 300 000 euros consacrés à l’apparition d’un  appel à projet destiné à faire de nos collèges des « moteurs de la transition ». Alors oui, avec seulement 300 000 euros sur un budget de 195 millions c’est un petit moteur, mais une belle initiative. 

C’est bien la seule nouveauté de ce budget en matière d’éducation puisque pour le reste nous nous contentons de renouveler ce qui existait : maintien du versement de 2 000 euros à tous les collèges pour l’achat de matériel, peu importe leur besoin, mode de calcul identique de la dotation pédagogique des collèges sans volonté de trouver des leviers budgétaires favorables à la mixité scolaire, et enfin, toujours le même refus d’augmenter l’aide à la demi pension des collégiennes et des collégiens. 

Un point rapide sur l’évolution des budgets tourisme et sport du département du Nord pour clore cette intervention : 

Le budget tourisme augmente de près de 500 000 euros et passe de 5,6 millions d’euros à plus de 6,2 millions d’euros. Cette hausse s’explique par la décision de consacrer 500 000 euros à l’achat de spots publicitaires télévisés sur les chaînes privées et publiques pour faire la promotion du département (c’est tout de même 200 000 euros de plus que la somme consacrée à faire des 202 collèges du département des « moteurs de la transition », ça dit beaucoup des choix politiques de votre budget). 

Le budget sport passe lui de 3,3 millions d’euros à 4 millions, une hausse qui s’explique principalement par le passage de la flamme olympique dans le département, dont on ne connaît toujours pas le parcours ni la facture finale, mais que vous considérez comme un événement populaire. Avec un prix moyen des places pour les phases de qualifications de 90 euros et de 450 euros pour les phases plus avancées, on peut interroger la dimension populaire de l’événement. Si on ajoute à ça l’organisation de l’accueil d’une partie de la coupe du monde de Rugby, on peut s’avancer sans risque en considérant que vous savez déjà que ce budget devra faire l’objet d’une dotation complémentaire. 

Et puisque nous sommes dans les solidarités humaines, j’aimerai terminer en  saluant la politique d’attribution de places pour les enfants de l’aide sociale à l’enfance lors des manifestations sportives. Budgétairement c’est une goutte d’eau, mais pour chaque enfant qui en bénéficie c’est un événement. Nous formulons d’ailleurs  le souhait que Madame Arlabosse se saisisse de ce dispositif  dans le domaine de la culture. 

Je vous remercie.