Rapport d’orientations budgétaires 2022

Session du Conseil départemental du Nord du 24 janvier 2022

Rapport n° DFCG/2022/30 – Rapport d’orientations budgétaires 2022 Intervention de Stéphanie Bocquet,
pour le groupe écologiste Europe Ecologie Les Verts – Génération.s

Monsieur le Président, chèr.es collègues, mesdames, messieurs. Il s’agit du premier débat d’orientation budgétaire de notre mandat. Le moment est donc important à plusieurs titres :

  • Tout d’abord, il est l’occasion de montrer la vision et l’ambition que nous avons pour les Nordistes à travers nos politiques publiques, pour l’année 2022 et même au-delà, pour la durée du mandat.
  • Ce moment est également l’occasion de traduire comment nous faisons face au contexte global qui nous entoure, qui nous contraint, mais qui nous offre également des opportunités. Sur l’analyse de ce contexte, nous avons parfois des points de convergences, mais nous n’en tirons pas les mêmes conclusions. J’y reviendrai.

A la lecture de ce 1er rapport d’orientation budgétaire, et après la présentation faite de Loïc CATHELAIN, Vice-Président aux Finances, nous nous sommes demandé si nous avions le bon document.

Nous nous sommes demandé si nous étions bien en 2022 ou en 2015.

Ni vision, ni ambition, ni prise en compte du contexte global.

Ce rapport répète inlassablement ce qui se dit dans cette assemblée depuis des années : « objectif de réduction des Aides Individuelles de Solidarité », slogan sur la « culture de la recette », flou artistique sur les investissements qui empêche, faute de chiffres précis, de se faire une idée réelle de ce que vous voulez faire.

Là où vous voulez maîtriser les Aides Individuelles de Solidarité, nous défendons au contraire une intervention juste du Département, sur ses compétences sociales, pour aider les Nordistes.

La « dignité » que vous mettez sans cesse en avant, c’est d’abord celle de ne pas tomber dans la grande pauvreté. Il en va de notre responsabilité et notre « dignité » à nous, élu.e.s de tout faire pour permettre à chacune et à chacun de bénéficier de ses droits sociaux.

Hélas, oui, ce ROB clame l’objectif de « maîtriser les Allocations individuelles de solidarité » (RSA, APA, AAH) : devons-nous en déduire, Monsieur le Président, que la lutte contre le non-recours aux droits sociaux ne fait pas partie de vos priorités ?

Pour rappel, le récent rapport de la Cour des comptes n’appelle pas à maîtriser le niveau de RSA mais pointe la réalité prégnante du non-recours, évalué à plus de 30 % au niveau national.

D’ailleurs, qu’en est-il aujourd’hui pour le Département du Nord ? A combien est estimé ce non-recours dans le Nord ?

Qu’en sera t’il demain pour celles et ceux qui peuvent bénéficier du RSA et qui n’en bénéficient pas ?

A la suite de ce rapport de la Cour des comptes, il nous semble essentiel qu’un débat ait lieu au sein de cette assemblée pour savoir, où notre collectivité se situe, de par l’efficience ou pas, de votre action sur ce sujet.

Concernant la « culture de la recette », on aimerait vous croire, Monsieur le Président, mais nous manquons d’éléments.

Vous mettez en avant :

  • D’une part, des recettes qui se basent notamment sur le recours sur successions des personnes âgées à l’aide sociale. Nous nous étions interrogés en commission sur des critères de justice sociale, de pondération selon le niveau du patrimoine.

Mais nous n’avons pas eu de retours, Monsieur le Président.

  • D’autres recettes sont celles sur l’optimisation de l’actif patrimonial du Département : certes, en tant qu’écologistes, nous sommes par principe plutôt favorables au recyclage du foncier bâti, favorables à trouver de nouveaux usages à des bâtiments, plutôt que devoir entretenir un patrimoine énergivore. Nous pourrions donc soutenir cette approche que vous nous proposez, mais nous manquons à ce stade d’éléments précis : quel est l’état des lieux ? Mais encore quelle stratégie et quelle politique de cession immobilière envisagez-vous pour les prochaines années ?

Nous regrettons également que ce débat d’orientation budgétaire ne soit pas l’occasion d’une présentation consolidée du budget, intégrant au-delà du ROB et du rapport « développement durable » :

  • le rapport « égalité femmes-hommes » ;
  • des éclairages sur le financement du SDIS ;
  • l’état annuel des indemnités d’élus ;
  • ainsi que le budget annexe du laboratoire vétérinaire départemental.

Lesquels ne nous seront présentés qu’en session budgétaire de mars prochain.

Sur les investissements, enfin, et ce sera notre dernier point, j’ai parlé de « flou artistique » car c’est le point du ROB, qui manque le plus d’éléments chiffrés.

S’agissant du premier rapport d’orientation budgétaire de ce mandat, le groupe écologiste s’interroge sur le manque d’informations quant à la mise en place même d’un PPI, lequelpermettrait d’avoir une vision politique globale sur la durée du mandat.

La Chambre régional des comptes avait d’ailleurs précisé dans son rapport d’Oct. 2020

Je cite : « La stratégie de la collectivité en matière de dépenses d’équipement est présentée à l’occasion du débat sur les orientations budgétaires, à travers le plan pluriannuel d’investissement. Son financement n’est pas exposé, contrairement aux dispositions de l’article D. 3312-12 du code général des collectivités territoriales, dont la finalité est d’améliorer la qualité de l’information financière de l’assemblée délibérante. Aussi, la chambre recommande au département de compléter son rapport pour mieux faire apparaître le besoin de financement. »

Aujourd’hui, il n’en est rien. Toujours pas de PPI.

A contrario, je vous invite, Monsieur le Président, à étudier la démarche de transparence de la Ville de Strasbourg qui a publié son PPI 2021-2026.

Mais poursuivons.

Si ce ROB présente des projections globales en matière de recettes et de dépenses, nous avons peu d’informations par politique publique, mais surtout, ce ROB manque de précisions sur les opérations déjà engagées.

Monsieur le Président, quelle est la part de dépenses fermes ?

Quelle est la part des dépenses optionnelles ?

Pour obtenir des réponses à ces questions, nous souhaitons un calendrier prévisionnel d’exécution des autorisations de programme et des autorisations d’engagement.

Il y a bien également, comparaison avec d’autres départements sur la dette mais pas de comparaison au niveau des investissements.

Où en sommes-nous par rapport aux autres départements ?

Et comment comptez-vous financer à l’avenir vos investissements ?

De plus, il n’y a pas d’estimation de l’évolution de l’encours de dette !

Vous annoncez 330 millions d’euros d’équipement par an sur toute la durée du mandat : combien sont engagés juridiquement ? Sur quelles politiques ?

Pour le groupe écologiste, la priorité doit être d’investir en faveur de la transition écologique et solidaire.

Il faut apporter dès maintenant une réponse à hauteur des enjeux de l’urgence climatique et sociale.

En réalité, Monsieur le Président, nous ne disposons pas, avec ce que vous nous avez donné, des éléments qui permettraient de dire si le niveau d’investissement que vous proposez est une bonne orientation budgétaire ou pas : 330 millions d’euros par an, quand on ne sait pas comment ils sont financés (par la culture recette ? par l’emprunt ?) ni à quelles politiques publiques ils concourent (investir dans la plus haute performance énergétique des collèges ou faire des routes, ce n’est pas la même chose, vous en conviendrez).

Nous aurons probablement des éléments de réponse dans la présentation du budget au prochain conseil.

En attendant, en termes d’orientations budgétaires, voici ce que nous, écologistes, aurions aimé trouver dans ce ROB :

– Plus de transparence sur les chiffres et l’ensemble des données consolidées, une présentation des engagements pluriannuels, une ventilation par politique publique des investissements prévus.

– Plus de responsabilité et de lucidité sur les questions sociales : derrière les « Aides de solidarité individuelles » il n’y a pas des ratios, il y a la vie des gens.

– Plus d’ambition en ce début de mandat pour investir dans la transition écologique. Et justement, la motion relative à l’état d’urgence climatique qui sera présentée tout à l’heure vise notamment à accélérer la mise en œuvre des objectifs de Nord Durable. Elle vise à se donner les moyens budgétaires pour apporter une réponse à la hauteur des enjeux.

Cette démarche d’investissement dans la transition écologique et solidaire suppose, dans le cadre d’une gestion budgétaire sobre et responsable, un ensemble de réorientations budgétaires pour des grands projets d’aménagements, et notamment par l’abandon de nouveaux projets routiers qui ne sont plus d’actualité à l’heure de l’urgence climatique.

Si l’on compare au nombre de km de voirie, le Département du Nord fait le choix de dépenser plus que d’autres départements pour l’entretien de la voirie et le développement de projets routiers.

De manière générale, le groupe écologiste souhaite subordonner toute nouvelle infrastructure financée par le conseil départemental au respect du principe de zéro artificialisation nette des sols. Point.

Dans une logique d’exemplarité et en cohérence avec les objectifs d’une transition écologique et solidaire de notre territoire, nous appelons le Conseil départemental du Nord à développer le recours à des emprunts verts auprès d’acteurs bancaires et financiers éthiques, en conditionnant le choix de ses financeurs au respect de critères extra financiers.

Notre département peut s’inspirer en la matière de l’action de la ville de Besançon, qui a mis en place un outil d’aide à la décision, l’amenant aujourd’hui à choisir des banques engagées en matière de transparence financière, de financement d’actions environnementales et climatiques, ainsi qu’en matière de responsabilité sociale.

Ou plus près de nous, s’inspirer des orientations prises dernièrement pas la Métropole Européenne de Lille.

L’année 2022, et sans doute même 2023, nous offrent l’opportunité d’accélérer la mise en œuvre des objectifs de Nord Durable : les taux d’intérêt sont bas, les contraintes de l’Etat pesant sur les dépenses publiques (les fameux « contrats de Cahors ») sont provisoirement levées et la Banque des Territoires encourage fortement les collectivités et les accompagne dans cette sortie de crise sanitaire.

Bref, quand vous nous parlez de « prudence » et de « bonne gestion », nous voyons surtout chez vous de la frilosité et des occasions manquées mais surtout, Monsieur le Président, aujourd’hui, nous ne voyons pas votre ambition pour les Nordistes et leurs territoires.

Je vous remercie