0.1 – Compte administratif 2023 du budget principal Rapport n° DFCG/2024/165
Vote contre – Intervention de Laurent Périn
Monsieur le président,
Cher.es collègues,
Avant d’aborder cette intervention sur le compte administratif 2023, nous tenons à remercier le travail important des services dans un contexte difficile en évolution constante, même si sur la forme, nous pourrions gagner en lisibilité et compréhension, en mentionnant également dans le rapport présenté, les chiffres du budget primitif adoptés pour mieux appréhender les réalisations ou non de chaque politique.
Dans votre rapport de présentation, vous débutez logiquement par le contexte socio-économique 2023, difficile marqué par une inflation à 4,9% (après une inflation 2022 déjà forte de 5,2%). Vous avez raison de pointer ce contexte dégradé qui rend difficile le pilotage budgétaire du département du Nord (nous y reviendrons), mais surtout parce que cette inflation forte renforce les difficultés pour les nordistes les plus pauvres et nous oblige donc d’être à la hauteur sur les politiques de solidarité, au cœur des compétences du département. Pour des personnes qui n’épargnent rien, chaque hausse de prix non compensée se traduit par des restrictions fortes sur des postes essentiels, comme la nourriture, le chauffage ou l’habillement.
Une note de la Fondation Jean-Jaurès d’octobre dernier calculait que la perte cumulée de pouvoir d’achat d’un allocataire du RSA en trois ans, de mi-2020 à mi-2023, atteint 30 euros par mois, soit 5 % du montant de l’allocation de base. Au vu de ces chiffres, il devient logique que les associations d’aides alimentaires aient vu un afflux de population auquel ils ont du mal à faire face.
Le département doit être à la hauteur sur ces sujets, ce n’est malheureusement pas toujours le cas.
Pour en revenir, au compte administratif proprement dit, et d’une manière générale, il n’y a pas de grande surprise. L’année est marquée par une légère baisse des recettes de fonctionnement (-0,2% par rapport à 2023), alors que les dépenses augmentent (de plus de 6,2%). La situation financière ne peut être que dégradée surtout quand vous n’avez pas engagé les années précédentes, des investissements à la hauteur (notamment pour la rénovation énergétique des bâtiments, des collèges…) ou quand vous n’utilisez pas toutes les possibilités permettant de dégager des marges de manœuvre budgétaires (expérimentation de recentralisation du financement du RSA).
Évidemment, la non compensation de dépenses supplémentaires liée à des décisions nationales, sans marge de manœuvre fiscale pour le département, entraîne une dégradation de la situation pour tous les départements : Fin 2023, le président de Loire-Atlantique ne parvenait pas à boucler son budget, le Conseil Départemental de l’Aisne a été contraint de voter un budget primitif en déséquilibre, le président du CD de Gironde dénonçait une « asphyxie financière »… Fin mars 2024 au Premier ministre, François Sauvadet, président de l’ADF, « tire la sonnette d’alarme et dénonce la mise en danger des finances des départements par l’État.
Inquiétude d’autant plus forte, quand Gabriel Attal, l’ex-Premier ministre en campagne pour Renaissance-Ensemble a annoncé, dans le cadre des législatives, la fin des « frais de notaires » pour les primo-accédants à la propriété dont le montant est inférieur à 250 000€. Mais supprimer ces « frais de notaire », c’est diminuer d’autant les recettes des départements.
Il est urgent de remettre en place une véritable fiscalité locale pour sortir de la politique de dotation de fonctionnement et de transfert d’une fraction de TVA qui induit des incertitudes budgétaires et la dépendance du département, à l’activité économique et commerciale, qui par nature est très fluctuante.
Sur les recettes définitives mentionnées dans ce CA 2023, nous ne pouvons que constater une baisse importante des DMTO – 123,1 M€ (- 27%) mais dans le même temps, certaines hausses comme la Taxe Spéciale sur les Conventions d’Assurances (TSCA ; + 23,8 M€ soit + 6,8%) et les fractions de Taxe sur la Valeur Ajoutée (+28,8 M€ ).
A noter que est le montant de la TSCA (375,7 M€) est désormais supérieur aux DMTO (333,3 M€).
Concernant les dépenses de fonctionnement, elles sont en augmentation de 6,2 % et vous indiquez que les hausses les plus marquées touchent surtout la solidarité humaine avec 60,4 M€ supplémentaires sur l’Enfance, famille, jeunesse (+ 11,4%), les personnes âgées (+ 34,3 M€ soit + 9,5%) et en situation de handicap (+ 32,6 M€ soit + 8,2%) et les collèges (+ 26 M€ soit +28,9%)
Certes.
Mais si on prend l’exemple du secteur enfance, famille, jeunesse, avec une hausse de 56M€ par rapport à 2022, seuls 13,6M€ sont liés au plan d’urgence départemental (donc relevant d’une politique volontariste). La part la plus importante reste liée à l’application de différents dispositifs obligatoires ( loi protection de l’enfance, Ségur, revalorisations salariales).
Un focus particulier sur les dépenses du secteur “personnes âgées” qui sont en forte augmentation. Au total, elles s’élèvent au CA 2023 à 397,5 M€, soit une augmentation de 34,3 M€ par rapport à 2022 (+ 9,5%). Et c’est logique car le vieillissement de la population s’accélère. Le Département du Nord doit être aux côtés des acteurs de l’autonomie (EHPAD, services d’aide à domicile) pour faire face à l’augmentation des besoins d’accompagnement des personnes âgées.
Face au manque criant de personnel, il doit agir pour améliorer leur formation et rendre les métiers du soin et du lien plus attractifs et mieux considérés.
Il doit poursuivre son appui aux aidants et au développement des habitats inclusifs.
Il doit également renforcer sa lutte contre la maltraitance et pour améliorer la qualité de l’accompagnement.
Mais toutes ces actions supposent un soutien financier accru de l’Etat. Alors que 85% des EHPAD publics sont concernés par un déficit en 2023, une loi “grand âge” dotée d’un vrai plan de financement est plus que jamais nécessaire. Afin de dégager de nouvelles recettes, nous proposons notamment l’instauration d’une redevance solidaire sur les EHPAD privés lucratifs.
Concernant les investissements, vous vous félicitez d’une hausse importante de ces derniers. Mais de quels investissements parlons-nous ? Les dépenses d’infrastructures et réseaux, correspondant pour l’essentiel aux dépenses de voirie, s’élèvent à 89,9 M€ (en hausse de plus de 15M€ entre 2022 et 2023). Vous le savez, nous ne partageons vos choix sur les nouveaux projets routiers totalement dépassés. A l’heure de l’urgence climatique, il est indispensable que le département s’engage résolument et massivement dans une transition écologique et énergétique qui serait bénéfique à ses finances locales et qui serait bénéfique aux Nordistes. Vous faites le contraire puisque par exemple, les dépenses liées aux Espaces Naturels du Nord et à l’environnement (5 M€) sont ainsi en baisse (- 1,9 M€,- 28,1%), tout comme celles relatives aux pistes cyclables (1 M€).
Enfin,nous rappelons que la loi de Finances instaure une obligation nouvelle pour toutes les collectivités locales de plus de 3500 habitants, d’annexer à leur compte administratif une évaluation d’impact du budget pour la transition écologique, à compter de l’exercice 2024 .
Cette nouvelle obligation porte uniquement sur les dépenses d’investissement, qui seront évaluées selon leur contribution positive OU négative à tout ou partie des six objectifs de la taxonomie européenne sur les investissements durables , à savoir : l’atténuation, l’adaptation au changement climatique, l’eau, la pollution, l’économie circulaire et la biodiversité.
Il s’agit incontestablement d’une première étape importante et utile, que vous auriez pu mettre en œuvre dès cette année et qui aurait permis au département du Nord de connaître enfin le niveau de ses dépenses en faveur et en défaveur de la transition écologique.
Ce compte administratif confirme malheureusement les éléments déjà présentés pour le budget primitif et supplémentaire 2023 et notamment le manque de réponses aux urgences actuelles.
Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, chers collègues, le groupe écologiste EELV-Génération.s votera donc contre ce compte administratif 2023 et par anticipation des votes concernant le compte administratif du budget annexe du laboratoire, ainsi que les comptes de gestion, ce sera également un vote contre du groupe écologiste : le CA étant le résultat de l’exécution du budget et le compte de gestion étant alimenté par des mouvements budgétaires qui relèvent du budget.