Budget Primitif 2024 – Volet « Solidarités humaines »

Budget primitif 2024 – Budget Principal / Rapport n° DFCG/2024/89

Vote contre – Intervention de Simon JAMELIN et Stéphanie BOCQUET pour le groupe écologiste Europe Ecologie Les Verts – Génération.S

Simon JAMELIN – Intervention sur le budget éducation, collèges et budget culture :

Monsieur le Président, Monsieur le Vice Président aux finances, Madame la Vice Présidente à l’éducation, Madame la vice présidente à la Culture, chers collègues, 

L’Etat se désengage. Il se désengage de l’Education avec une baisse de 600 millions du budget de l’Education dans le cadre du plan d’économie de 10 milliards annoncé il y a quelques semaines. Il se désengage de l’Éducation avec une réforme du collège qui aboutit à une chute drastique des moyens, à une mise au pas pédagogique des enseignants et à un séparatisme social assumé. Il se désengage de l’Education en faisant l’impasse sur la prévention avec une baisse en 10 ans de 20  % du nombre de médecins scolaires dans la région. L’État se désengage aussi de la Culture, avec une baisse annoncée de 200 millions de son budget cette année et de 100 millions supplémentaires l’année prochaine. 

C’est dans ce contexte que vous soumettez au vote votre budget 2024. 

Depuis l’automne dernier, une petite musique se fait entendre autour d’une baisse des moyens sur les compétences facultatives du département que vous nommez volontaristes mais qui ne sont pour vous que des variables d’ajustement budgétaires. 

D’éventuelles baisses n’apparaissaient pourtant pas dans le rapport d’orientations budgétaires présenté en janvier et nous appelions alors à sanctuariser les dépenses concernant les politiques culturelles et éducatives.

Le département semble maintenir à peu près son budget éducation. Vous reconnaissez vous même que ce maintien est principalement dû à l’inflation. Nous vous l’avons déjà dit ici, une absence d’augmentation du budget en période d’inflation revient en réalité à diminuer le niveau de service rendu aux nordistes. Vous avez donc dû faire des choix. 

Nous vous avons dit ici de nombreuses fois nos inquiétudes concernant l’aide à la demi pension qui permet aux élèves les moins favorisés de manger à la cantine, non revalorisée depuis 2015 alors même que vous votez chaque année une augmentation des tarifs de cantine. Vous avez choisi : l’aide à la demi-pension perd 1,1 millions en passant de 7,8 à 6,7 millions. 

Votre réponse à nos inquiétudes sur l’aide à la demi pension est invariable : si l’enveloppe dédiée n’est pas suffisante, les collèges peuvent utiliser l’Aide à la Réussite du Collégien pour aider les familles les plus en difficulté. Mais là aussi, vous avez choisi : l’ARC perd 400 000 euros en passant de 1,6 à 1, 2 millions. Madame la Vice Présidente je vous pose à nouveau la question : alors même que le nombre de familles en difficulté explose, vous baissez l’aide à la demi-pension et l’Aide à la réussite du collégien. Avec quelle enveloppe budgétaire les collèges vont-ils pouvoir aider les familles en difficulté ? 

Nous avons voté ici le nouveau Projet Éducatif Départemental du Collégien, dont les objectifs sont fixés pour 3 ans avec entre autres l’éducation à l’environnement, la pratique culturelle et la lutte contre le harcèlement. Ce PEDC, vous le mettez régulièrement  en avant  pour justifier de vos actions auprès des élèves, encore aujourd’hui dans la délibération que nous voterons sur l’engagement du département dans la Politique de la ville. 

Initialement les montants alloués pour le PEDC étaient fixés sur 3 ans. Vous avez modifié cette disposition en passant à un financement annuel qui vous donne les moyens  d’envisager de diminuer au besoin le montant du PEDC au détriment de la visibilité pour les équipes enseignantes. Nous vous avons dit nos inquiétudes concernant le financement du PEDC, et là encore vous avez choisi : il perd 1 million en passant de 2,1 millions à 1,1 million. Ce million d’euros en moins, c’est moins de projets, moins de prévention, moins de pratique culturelle,moins d’attractivité de l’école publique alors même que- c’est symbolique- le financement du privé augmente.

La méthode elle-même nous semble cavalière. Puisque ces décisions de baisses ont été prises avant les réunions de négociations avec les représentants des collèges et de l’Education nationale. Réunions dont les usagers (élèves et parents d’élèves) sont exclus. Une concertation sans les principaux bénéficiaires, c’est d’ailleurs ce qui vous donne la possibilité d’opérer des coupes budgétaires à bas bruit. 

La politique culturelle du département n’est pas mieux lotie, on passe de 26,7 millions à 21,7 millions, c’est une baisse de 17% ! 

Alors au moment de rédiger cette intervention j’ai cherché un texte auquel me référer pour comprendre où vous allez, pour tenter de définir votre politique culturelle. En l’absence de nouvelle délibération cadre, que nous vous réclamons depuis le début du mandat, le seul texte qui fixe vos objectifs remonte à 2017. Ce sont donc des objectifs encore valables aujourd’hui. 

Le premier objectif est de « réduire les inégalités territoriales en apportant une attention particulière aux territoires ruraux ». Pourquoi alors avoir baissé de 50 % les moyens alloués au Réseau de développement culturel en milieu rural, les passant de 406000 euros à 203 000 euros sans concertation  avec les acteurs du secteur ? 

Le second objectif nous engage à « agir en faveur de publics prioritaires du département grâce aux actions de médiation ». C’est cocasse puisque c’est justement la médiation culturelle qui subit le plus vos choix de ce budget 2024 : suppression du réseau d’insertion par la culture contre l’avis de 500 acteurs culturels réunis en collectif, division par deux du budget de la médiathèque départementale avec fusion programmée des sites de Caudry et Le Quesnoy, inquiétudes des acteurs sur le maintien des dispositifs de lecture publique en PMI ou du dispositifs de résidences d’artistes en collège. Couplé au coût de rabot sur le PEDC, c’est toute une filière culturelle que vous mettez en péril, et les nordistes que vous privez de pratiques culturelles. 

Votre vision de la culture, c’est le rayonnement à tout prix, y compris au détriment des besoins des Nordistes, c’est d’ailleurs le sens de l’augmentation de 27% du budget dédié à la communication institutionnelle. 

Alors certes, vous maintenez les budgets des établissements culturels et les subventions aux structures établies comme les scènes nationales, mais en choisissant de sacrifier la médiation culturelle au passage, vous faites l’exact inverse de ce que vous avez vous même écrit dans la délibération cadre sur la culture de 2017 et avec lequel nous sommes, nous, toujours d’accord: « face aux renforcement des inégalités et à l’isolement de certains public, la nécessité d’aller à leur rencontre est plus que jamais essentielle ».

Stéphanie BOCQUET – Intervention sur le budget Insertion et le budget Protection de l’enfance

Monsieur le Président, chèr.es collègues,

Poursuivons ce volet culture, avec l’insertion par la culture ou plutôt ce qu’il en reste.

Voyons ensemble ce courrier envoyé fin février, juste avant les congés scolaires, au Collectif des Réseaux d’Insertion par la Culture (le CRIC), courrier signé par Doriane BECUE, vice-présidente en charge du retour à l’emploi et de l’insertion et Martine ARLABOSSE, vice-présidente en charge de la culture et de la communication institutionnelle.

Je cite : « aussi, nous avons le regret de vous informer de la fin du financement du dispositif d’insertion par la culture co-porté par les crédits de la culture et de l’insertion (…) conscientes de l’impact de la perte de ce financement dans l’organisation de votre structure et plus spécifiquement sur l’emploi de votre médiateur culturel, les subventions seront maintenues à hauteur de 50% de leur montant 2023 en 2024 pour s’arrêter en 2025 » : annonce faite fin février, soit 2 mois après que des projets aient pu être travaillés voire engagés par les structures.

C’est une mise en difficulté semblant pleinement assumée par les vice-présidentes qui ont signé ce courrier.

Je poursuis : « cette orientation ne constitue en aucun cas une dépréciation du travail mené depuis des années » : bien-sûr, en aucun cas une dépréciation du travail mené.

25 ans d’existence… ce n’est pas rien.

10 ans pour construire ce réseau… ce n’est pas rien.

Donc, là, tu casses mais tu répares pas, c’est bien ça ?

Faut-il rappeler que ce sont plus de 2300 personnes qui sont accompagnées par le CRIC, dont des allocataires du RSA et pour lesquels il faut parfois reconstruire ce que le chômage a déconstruit ?

Ces personnes bénéficient des actions du CRIC, au travers d’une centaine de projets menés chaque année, projets utilisant la culture comme levier d’insertion sociale et professionnelle pour travailler en équipe, développer sa créativité, communiquer, s’organiser, travailler la confiance en soi ou encore valoriser ses compétences.

Tout cela bien-sûr dans un cadre collectif.

Des actions coconstruites, tissant des liens entre les personnes engagées dans le parcours d’insertion, mais également entre les structures d’accompagnement social et socio-professionnels et les acteurs culturels et artistiques d’un même territoire.

L’action culturelle y est prétexte à créer les conditions de la levée des freins à l’insertion sociale et au retour à l’emploi.

Même Pôle emploi, nouvellement France Travail, reconnait l’importance des actions menées par le CRIC.

Bien évidemment, cette baisse brutale de financement va également amener à la suppression de 10 postes de médiateurs culturels et impacter un réseau de plus de 120 artistes.

Vous le savez, ces acteurs de proximité défendent la compétence culturelle comme moteur d’inclusion et de citoyenneté telle que l’Europe l’a définie dans les 8 compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie.

Dernière citation de ce terrible courrier :

« Soyez assuré que les équipements culturels départementaux demeureront des lieux d’accueil pour les actions que vos structures souhaiterait y développer ».

Monsieur le Président, Mesdames les vice-présidentes, on ne parle pas d’accueil ou encore d’accès à un équipement culturel : on parle d’un dispositif dont la culture est un vecteur d’insertion sociale, un dispositif qui fonctionne pour le retour à l’emploi.

Vous condamnez donc le CRIC et ses actions à disparaître purement et simplement en 2025 !

C’est incompréhensible, vraiment.

Il y aurait moyen, avec beaucoup d’ambition et de courage de ne pas faire ainsi.

Et concernant l’ambition et le courage de ne pas faire ainsi, j’aborderai à présent la protection de l’enfance et l’Aide sociale à l’enfance (ASE).

Monsieur le Président, vous avez déjà fait savoir que vous dormiez mal car des enfants en danger, ici dans le Nord n’étaient pas suffisamment protégés.

Ce n’est pas que le groupe écologiste soit peu soucieux de la qualité de votre sommeil, Monsieur le Président, non.

Nous le sommes bien-sûr, pour la qualité de sommeil des enfants non protégés, mal protégés.

Nous le sommes également pour la qualité de sommeil des professionnels du médico-social, travailleuses et travailleurs sociaux de la protection de l’enfance : éducateurs, assistants de services sociaux, maître et maîtresse de maison, agents d’entretien, personnels administratifs, assistants familiaux, psychologues, juges des enfants, tous ces professionnels qui accompagnent les jeunes au quotidien pour les aider à grandir sereinement.

De réelles inquiétudes qui s’expriment régulièrement depuis 2018 et de nouveau pas plus tard que ces dernières semaines.

Parce que nous sommes un département où la protection de l’enfance est en crise depuis des années.

Depuis le début de ce mandat, le groupe écologiste est intervenu à plusieurs reprises pour alerter sur cette situation d’urgence par courrier, en commissions, en plénière lors d’interventions ou lors des questions d’actualité.

Soit ce sont des réponses bien insatisfaisantes, soit c’est zéro retour.

Ces 2 derniers mois :

–        Zéro retour à notre demande concernant le bilan d’entrée et de suivi de santé annuel rendus obligatoires par la loi Taquet pour chaque enfant suivi par l’ASE.

–        Zéro retour à notre courrier commun aux trois groupes d’opposition concernant la mise à l’abri des Mineurs Non Accompagnés en procédure de reconnaissance de minorité devant le Juge des Enfants. Certains accueillis cet hiver dans des locaux paroissiaux qui devront fermer leur porte au 15 avril. Aujourd’hui, ce sont 138 mineurs isolés sur Lille pour lesquels il faut trouver une solution collective d’hébergement digne.

Alors, certes, +47 millions d’euros budgétés en 2024, mais ils ne sont pas à la hauteur des besoins au vu des chiffres alarmants donnés par mes collègues précédemment.

Alors que la situation empire, il nous faut sortir des mesures curatives d’urgence, pour agir au maximum en prévention.

Oui, la situation d’urgence doit être prise en compte par le gouvernement : aussi, nous soutenons la proposition du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), proposition faite en octobre dernier, pour un plan Marshall de la protection de l’enfance appelant à une refonte globale de cette politique avec un effort financier massif et durable, mais aussi la mise en place de mesures immédiates.

Dès novembre 2022, le groupe écologiste appelait de ses vœux la mise en place d’Etats généraux de la protection de l’enfance.

Les manières de travailler et le profil des enfants ont évolué ces dernières années.

Aujourd’hui, nous faisons face à des situations de plus en plus complexes qui nécessitent un accompagnement différent, voire renforcé : flux d’arrivée de jeunes migrants, enfants en situation de handicap, enfants porteurs de vulnérabilités multiples, prostitution des mineurs, jeunes en errance, entre autres.

Monsieur le Président,

Pourquoi ne pas entendre l’appel au secours des professionnel.les de la prévention et de la protection de l’enfance, confronté.es à une pénurie chronique de moyens.

Sortons de la gestion de crise !

Et pas avec des CRS en nombre aux portes de cet hémicycle!

A l’heure qu’il est, nous nous étonnons que le Département du Nord, premier département de France n’ait toujours pas engagé de réflexions partagées pour doter les politiques de prévention et de protection de l’enfance d’un schéma d’organisation.

Un schéma départemental qui doit constituer un cadre d’action partagé, un document qui cherche à préfigurer le possible, le souhaitable et décrire l’horizon vers lequel nous souhaitons tendre d’ici la fin de ce mandat.

Monsieur le Président,

Il y aurait moyen, avec beaucoup d’ambition et de courage de faire ainsi.

Je vous remercie.