Rapport d’orientations budgétaires 2024

Rapport d’orientations budgétaires 2024 Rapport n° DFCG/2024/10

Prend acte – Intervention de Céline Scavennec

Monsieur le Président, Monsieur le Vice-Président, chers collègues,

Beaucoup de choses ont été dites sur l’effet ciseaux, sur l’autonomie fiscale qui a disparu. Entrons donc d’emblée dans le vif du sujet : le contexte économique actuel est marqué par de fortes incertitudes. Et les Départements en France sont tous confrontés à une situation très difficile pour l’élaboration des budgets 2024. C’est là un point sur lequel nous serons ici toutes et tous d’accord.

Il y a effectivement la situation économique et ses contraintes, et ce que vous appelez des « nouvelles fragilités » comme l’inflation qui pèse lourdement sur les Nordistes, la hausse probable du chômage, dont on voit mal comment elle ne pourrait pas avoir comme conséquence la hausse du nombre d’allocataires du RSA. Or vos hypothèses de budget prévoient une diminution de 4% des dépenses liées au RSA. Vous dites même, en page 18 du rapport « les hypothèses retenues en 2024 prévoient une baisse continue du nombre d’allocataires au rythme de 0,25% par mois, c’est bien audacieux si ce n’est inquiétant, à travers ces projections vous n’envisagez pas de lutter contre le non-recours aux aides sociales… 

Il y a aussi les fragilités du territoire liées à sa vulnérabilité face au changement climatique, et les inondations récentes qui ont touché, une fois, deux fois, trois fois en quelques mois des habitants du Nord et du Pas-de-Calais, nous viennent immédiatement en tête. M. Belleval a annoncé dans la Voix du Nord que le diagnostic des réparations des infrastructures abîmées était en cours et que le Département envisageait de solliciter l’Etat pour une dotation exceptionnelle de 5 millions d’euros. Nous ne sommes pas à l’abri d’une réévaluation à la hausse et de mesures à prendre plus structurelles et plus coûteuses encore.

Cependant, face aux difficultés et compte tenu des incertitudes, il y a différentes attitudes possibles : 1/ soit on assume le manque de visibilité et on envisage plusieurs scenarios. C’est de notre point de vue la posture qu’il aurait fallu envisager cette année. 2/ Soit on camoufle, on fait preuve d’un manque de transparence et on empêche de fait l’exercice démocratique du débat d’orientation budgétaire. 3/ Soit on ne s’avance pas trop et on dévoilera ses cartes au moment du vote du budget, qui aura lieu dans 2 mois, soit, 4/, vous nous réservez des révélations pour les prochaines minutes ?

Quoi qu’il en soit, dans ce rapport on ne sait pas grand-chose sur le niveau de recettes attendues en 2024. Et cela, personne ne vous le reprochera. Les DMTO sont en baisse effectivement et le niveau de baisse était pour tout le monde difficile à anticiper. Pour l’avenir, nous n’avons pas non plus la main sur la trajectoire. Est-ce que la situation va s’amplifier ou s’améliorer en 2024 ? Vous semblez curieusement assez optimiste. L’hypothèse d’une nouvelle dégradation n’est pas envisagée dans ce rapport.

Pourquoi ?

Quels sont les éléments dont vous avez connaissance qui vous amènent à dire en ce début d’année 2024, et après avoir tenu publiquement des propos inquiétants ces derniers mois, que finalement, malgré tout, ça va bien se passer ? J’entends par « propos inquiétants », une petite musique sur la distinction entre l’obligatoire et le facultatif, laissant entendre que certaines politiques dites « volontaristes » pourraient être remises en question. En ce qui nous concerne, soyons très clairs, en matière de politique éducative ou culturelle, par exemple, rien ne doit être considéré comme « facultatif ».  Toutes les dépenses éducatives et culturelles actuelles doivent être sanctuarisées dans le budget primitif que vous nous proposerez en mars.

En attendant, le ROB n’entre pas dans ce niveau de détail, donc pouvez-vous déjà nous rassurer ?

Est-ce votre rendez-vous avec Mme Borne qui vous a donné des garanties ? Qu’en seront-elles avec le nouveau Premier Ministre ? Qu’avez-vous obtenu réellement comme soutien de la part de l’État ?


La question des recettes est d’autant plus un sujet d’inquiétude pour nous que nous ne voyons pas apparaître clairement de recettes liées au Fonds Vert. Vous allez répondre que les montants sont très faibles et ne méritent pas d’être mentionnés. Au contraire , je pense qu’il y a un véritable enjeu à rendre visible notre capacité à mobiliser des financements qui permettent d’investir dans le sens de la transition énergétique. Ce sont aujourd’hui les seuls investissements que nous devrions renforcer. Non seulement parce que c’est bon pour l’avenir des Nordistes (en plus, on le fait déjà pour les nouveaux collèges, donc disons-le clairement !) mais le plus important pour nous aujourd’hui, c’est de dire qu’on arrête les projets qui vont dans le sens opposé, dans le sens d’un développement non durable.

J’avais déjà demandé qu’on puisse avoir cette lecture des investissements « au service de la transition » l’an dernier. Monsieur Valois était d’accord. La loi de Finances 2024 nous demande désormais de classer les « investissements verts » à partir du compte administratif 2024 conformément à ce qu’on demandait, preuve que ce n’était pas une lubie d’écolo. Et dans les années à venir, il y a fort à parier que cela va jouer aussi sur notre niveau d’endettement, en encourageant une sorte de « dette verte » par rapport à une autre dette considérée comme moins vertueuse.


Quand ces dernières années, nous disions qu’il fallait recourir à l’emprunt parce que les taux étaient favorables, et parce qu’il y avait des investissements massifs à engager pour la transition énergétique, pour pouvoir limiter drastiquement et rapidement nos dépenses de fonctionnement et notre dépendance aux énergies fossiles, vous nous répondiez en bon gestionnaire orthodoxe « Je m’endette d’abord en fonction de ma capacité d’épargne ».

Et là, il s’avère que nous terminons l’année 2023 avec une épargne nette négative : -16 millions. Du jamais vu depuis 2015 ! Au Compte Administratif 2015, l’épargne nette était à -14,8 millions.

J’ai donc regardé ce que vous aviez dit et fait à cette époque pour faire face à cette situation.

A l’époque, il avait été estimé qu’on devait s’éloigner au plus vite du seuil d’alerte, de la menace de mise sous tutelle du Département (égrenant toutes les conséquences tragiques qui s’en suivraient…), et vous aviez appliqué aux finances du Département un remède de cheval basé sur trois traitements :

1. Un plan d’économie de 100M€ qui avait fait l’objet de débats tendus, certains ici doivent s’en souvenir, et nous ne voudrions surtout pas y revenir.

2. Une hausse de la fiscalité : ça aujourd’hui on ne peut plus le faire. La seule chose possible, dans la mesure où nous sommes « irresponsables » fiscalement désormais, c’est d’obtenir de meilleures compensations ou dotations de l’État.

3. Une nouvelle stratégie prônant la « culture de la recette ».

Cette « culture de la recette » a été rappelée chaque année depuis, faisant valoir notamment la capacité du Département à aller chercher des co-financements européens, nationaux, régionaux ou locaux pour tous nos projets. J’espère que vous n’êtes pas aujourd’hui en train de revenir vous-même sur ce principe que vous avez si souvent mis en avant ? Car en vertu de ce principe, il serait inconcevable de prendre à notre seule charge, le financement d’infrastructures (nouvelles voiries, doublements de voiries, contournements divers et variés…) non prévues dans le volet « mobilité » du Contrat de Plan Etat Région (CPER) ! Nous ne verrons donc pas de tels projets dans le budget primitif 2024. En revanche, les infrastructures cyclables, vélo-routes et voies vertes, ça c’est bon, c’est dans le CPER, c’est compatible avec la « culture de la recette » donc on va pouvoir les accélérer. Peut-être va-t-il vous falloir réviser le Plan Pluriannuel (PPI) à mi-mandat, surtout n’hésitez pas à nous tenir informés …

Je note au passage qu’en 2016, il y avait eu deux séances de débat d’orientation budgétaire, compte tenu de certaines incertitudes, et vous aviez établi deux scénarios, un scénario au « fil de l’eau » et un scénario « cible ». Nous pensons que cette approche par scénario aurait été intéressante aujourd’hui, aussi en amont du budget, car il sera très difficile d’établir sincèrement un budget annuel en 2024.