Lancement des Appels à Projets des dispositifs d’Aide Départementale aux Villages et Bourgs (ADVB) 2024, y compris ses volets Voirie Communale et Énergie et d’Aide à l’Aménagement des Trottoirs le long des voiries départementales (AAT) 2024 et modalités de réactualisation des Projets Territoriaux Structurants (PTS) d’intérêt 2024 Rapport n° DTT/2023/387
Abstention – Intervention de Céline SCAVENNEC
Monsieur le Président,
Monsieur le Vice-président
Mesdames et messieurs
Vous proposez, à travers cette délibération, de relancer pour l’année prochaine l’appel à projets auprès des communes et intercommunalités pour les subventions « Aides Départementales aux Villages et Bourgs », “Aides à l’Aménagement des Trottoirs” et vous choisissez d’en faire aujourd’hui un « sujet majeur » de nos débats, permettant à chacun d’entre nous de s’exprimer pendant 15 minutes. Nous nous sommes donc demandé ce qu’il y avait dans cette délibération de si particulier et de nouveau pour justifier une telle mise en lumière.
Certes il s’agit de montants de financements importants et d’un volet essentiel de la solidarité territoriale du Département du Nord en direction des communes. Cependant, il y a à notre ordre du jour de ce Conseil un enjeu moindre parce que les projets qui bénéficient de financements les plus importants, les “Projets Territoriaux Structurants” ne sont pas concernés par cet appel à projet puisqu’il s’agit d’un appel à projets bisannuel et nous avons déjà voté il y a 6 mois la catégorie “intérêts 2024” de ce qui sera financé en 2024.
Qu’y a-t-il donc de “nouveau” dans cet appel à projets pour 2024 ?
Si je repense à l’intervention de Mme Dominique Faure, Ministre des Collectivités locales et de la Ruralité, lors du dernier congrès des Maires du Nord le 17 octobre.
Vous étiez à ses côtés en tribune, Monsieur le Président, et vous sembliez approuver ses propos. Je vous propose d’en rappeler les points saillants, puisqu’il m’est donné 15 minutes pour dire des choses intéressantes :
Madame la Ministre a notamment rappelé les axes prioritaires du plan France Ruralités :
- soutenir les villages dans la conception de leur projets avec le nouveau programme d’ingénierie “Villages d’avenir” => cela répond effectivement à un besoin que nous avons très souvent rappelé, le manque d’ingénierie au service des maires ruraux
- rémunérer et reconnaître la contribution des territoires ruraux à la transition écologique => enfin on reconnaît qu’il faudrait récompenser la préservation de l’environnement plutôt que sa destruction, c’est ce qu’on appelle la reconnaissance des aménités rurales
- pérenniser et transformer les zones de revitalisation rurale et apporter des solutions simples et concrètes aux besoins du quotidien => on peut s’y attarder un moment parce que depuis cette réunion d’octobre, le plan France Ruralités a été précisé, les mesures sont détaillées ainsi que les montants alloués pour les projets. Il est question notamment de mobilité en zones rurales, d’équipements culturels et bibliothèques dans les territoires entre l’urbain et le rural (et c’est précisément une situation qu’on retrouve très souvent dans le Nord). Il est aussi question de restauration du patrimoine bâti ou naturel, le patrimoine tel qu’on l’entend généralement avec ses édifices religieux et ses monuments aux morts, mais le patrimoine naturel c’est le bocage en Flandre ou en Avesnois et il est très intéressant qu’on reconnaisse enfin que la préservation d’une allée d’aubépine ça a un coût mais c’est prioritaire. Dernier exemple qui me semble intéressant à relever dans le plan France Ruralité, c’est tout ce qui concerne les lieux de convivialité, recréer ou rénover des cafés ou commerces ruraux.
Donc à l’heure ou a été rédigée cette délibération et au moment où est lancé l’appel à projet ADVB PTS, nous savons (à peu près) ce que l’Etat soutiendra ou pas, permettra ou pas.
Or la délibération n’y fait aucune référence, cet appel à projet s’inscrit d’abord et avant tout dans la lignée d’une délibération de 2016. Le message donné aux communes est “rassurez-vous, on continue comme avant”.
Sur le volet “aménagement et équipement” des ADVB 2023, 61 projets sur 317 ont pu obtenir une bonification Nord Durable. Autrement dit, l’immense majorité des projets ne répondent à aucun des critères attendus pour cette bonification. Si nous comprenons bien la logique de l’encouragement, de l’incitation, et nous la soutenons, à tel point que nous pensons qu’une bonification de +15% c’est insuffisant. Si nous voulons vraiment être incitatif, nous devons l’être vraiment avec des bonifications adaptées aux surcoûts réels des projets et tenant compte aussi de l’ingénierie nécessaires, le Fonds Verts et le plan France Ruralités doivent nous le permettre.
Nous estimons aussi qu’à un moment il faut être capable de dire stop à des projets d’un autre âge. Si un projet ne contribue pas à la transition énergétique, s’il ne s’inscrit dans aucun critère, c’est qu’à un moment donné il va porter préjudice à l’intérêt des Nordistes. On doit pouvoir aujourd’hui dire qu’on doit renoncer à certains projets. Il y a des critères pour la bonification Nord Durable qui correspondent à des thématiques spécifiques, mais il y a aussi des critères assez généraux qui doivent s’appliquer à tous les projets obligatoirement comme l’objectif de sobriété foncière.
Nous avons soutenu, au moment de sa mise en œuvre le volet “Energie” de cet appel à projets. Nous sommes effectivement confrontés à un chantier immense. L’enjeu est de rendre passifs, voire producteurs d’énergies renouvelables, tous les bâtiments publics. Nous avons désormais du recul technique sur certains équipements dans les communes rurales comme les chaudières au bois local avec micro réseaux de chaleur, les centrales photovoltaïque sur toitures d’école, etc. On sait faire, on en est à l’accélération, la massification. C’est tout l’enjeu de ce volet “énergie” : permettre aux communes de sortir le plus vite possible de l’impasse financière créée par l’augmentation des coûts de l’énergie, éviter de se retrouver d’année en année toujours plus assommé par les factures.
Pour certains bâtiments ou équipements communaux, les défis sont particulièrement complexes, on pense notamment aux salles polyvalentes, aux lieux multi-fonctionnels. Les élus locaux héritent d’un patrimoine construit par des prédécesseurs qui se posaient moins ces questions. Mais aujourd’hui qu’en est-il ? Etes-vous certains, Monsieur le Vice-Président qu’à travers la programmation 2023 des projets ADVB que nous avons votés en juin dernier, tous les projets sont exemplaires sur le plan énergétique et ne pèseront pas trop lourds dans le budget de fonctionnement des prochaines années ?
Nous avons proposé l’an dernier d’identifier un volet ADVB spécifique sur le changement climatique. De nombreuses communes du Nord ont été touchées par les inondations exceptionnelles de ces derniers mois, au point que nous allons voter tout à l’heure une délibération spécifique d’aide à ces communes. Tempêtes, sécheresse, inondations, incendies, retrait-gonflement des argiles causant des fissures aux bâtiments, coulées de terre … Il ne s’agit pas de calamités “naturelles” mais bien des conséquences d’un dérèglement climatique qui s’emballe et produit de manière plus récurrentes des évènements climatiques exceptionnels. Il faut s’y préparer, il faut s’y adapter, se donner les moyens de les atténuer quand c’est possible.
Une grande partie des conséquences du changement climatique est liée au cycle de l’eau au sens large. En permettant au maximum aux territoires de retrouver une gestion naturelle du cycle de l’eau, on peut se protéger. Cela passe par la sobriété foncière, la protection du bocage et des pratiques culturales respectueuses des milieux, la renaturation, la végétalisation adaptée, les choix de matériaux, etc… Comment les ADVB peuvent-elles se mettre au service de cette stratégie ?
Un autre enjeu devrait nous mobiliser également, contre le sentiment d’abandon ou de désespérance dans les campagnes. Les villages et bourgs sont aussi des lieux de lien social, de culture et de convivialité. Les commerces de proximité fixes ont déserté depuis longtemps les territoires ruraux, mais ils peuvent y revenir aujourd’hui sous d’autres formes ou d’autres rythmes. L’économie sociale et solidaire permet d’imaginer de nombreuses initiatives. Aider concrètement les villages et bourgs à travers un appel à projet pour 2024, c’est aussi aider à la création ou recréation des cafés associatifs, des espaces multi-fonctionnels où se mêlent la culture, les échanges, les services à la population et aussi des activités artisanales ou commerciales. Pour cela il faut que nous avions une approche ouverte de ce qu’on appelle « équipement public » pour parler de lieux plus hybrides dans les montages et les statuts. Ces sujets font partie de ce qui est soulevés et attendus par les maires dans le Nord, c’est aussi, je l’ai dit, un chapitre du plan France Ruralités, et j’ai peur qu’au fond nous ayons ici au Département un train de retard sur le type de projets qui émergent dans nos communes.
Au final, vous mettez en avant, à travers cet appel à projets, une vision passéiste de l’aménagement du territoire en encourageant des types d’équipements qui ne correspondent plus aux besoins et ne préparent pas l’avenir. Les communes veulent s’adapter et aller de l’avant, il faut les aider à monter des projets innovants et durables.
Le groupe des écologistes propose :
- une augmentation du % de la bonification Nord Durable pour qu’elle soit véritablement incitative
- Un volet « changement climatique » comme le volet « énergie » pour mieux cibler les investissements du Département
- Un soutien en ingénierie renforcé pour permettre le montage de projets dans une logique de sobriété foncière.
Ne voyant pas venir de telles évolutions, nous nous abstiendrons.