Convention de financement entre le Ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion et le Département du Nord pour la mise en œuvre d’une expérimentation relative à l’accompagnement rénové des allocataires du RSA Rapport n° DirRE/2023/283
Contre – Intervention de Stéphanie BOCQUET
Monsieur le Président,
Madame la Vice-Présidente,
Cher.es collègues,
Mesdames, messieurs,
Le groupe écologiste votera contre cette délibération.
Pas parce que nous sommes opposés au travail bien évidemment, nous sommes prêts à soutenir de nouvelles modalités d’accompagnement pour faire sortir les nordistes de la grande précarité.
Non. Le groupe écologiste votera contre cette délibération car la confiance n’est pas là.
Cette réforme anti-sociale supplémentaire du gouvernement, après la réforme du chômage et celle des retraites, n’est ni plus ni moins une stratégie de disqualification des plus précaires pour que les classes dites moyennes se sentent valorisées.
Non, la confiance n’est pas là au vu de ce que l’on entend au niveau national : ce discours de stigmatisation des allocataires du RSA, discours martelé à longueur de temps par le gouvernement et le Président de la République lui-même, opposant les travailleurs et celles et ceux qui vivraient des aides sociales.
En faisant cela, le Président de la République fracture notre pays, loin de l’apaiser.
D’ailleurs, les propos entendus au sein de cet hémicycle sont également plus tournés vers les devoirs de l’allocataire que par les droits de ce dernier : « distributeur de billets / certificat médical sur mon bureau / rester au RSA jusqu’à sa retraite ».
Monsieur le Président, tiendriez-vous les mêmes propos pour d’autres allocataires de prestations sociales ?
Madame la Vice-Présidente, quand on vous interroge sur le non-recours et que vous répondez « Mais qu’ils s’inscrivent », tiendriez-vous également de tels propos envers d’autres allocataires qui n’ont pas recours à leurs droits ?
Une confiance qui n’est pas là quand on voit l’accompagnement médico-social se réduire comme peau de chagrin depuis ce début de mandat, avec un nouveau PDI centré sur une logique d’insertion professionnelle sans distinction avec l’insertion sociale ; or, nous savons que depuis 20 ans, la baisse de l’accompagnement social au niveau national est passé de 20 à 7%.
Certes, cette expérimentation apporte une manne financière de plus de 1 million pour des allocataires que le Département suivrait quoi qu’il en soit ; un diagnostic 360° de la situation de l’allocataire ou encore l’allègement du nombre de dossiers par référent : tout ceci ne peut que bénéficier aux agentes et agents du Département pour mener à bien leurs missions et pour un service public de qualité.
Mais qu’en sera-t-il quand il faudra déployer financièrement ces moyens humains au niveau national à l’ensemble des allocataires ?
Dans cette délibération, des flous persistent : concernant les 15 à 20h hebdomadaires d’accompagnement intensif dont Madame la vice – présidente vous nous avez confirmé qu’il s’agissait bien d’un objectif pour le Département – objectif absent du projet de loi France Travail – nous craignons que cette intensité d’accompagnement soit difficile à atteindre pour les publics les plus éloignés de l’emploi.
Basé sur le référentiel du Contrat Engagement Jeune, un rapport du Conseil d’orientation des politiques Jeunesse de décembre dernier démontrait les difficultés rencontrées pour atteindre ce quota d’activités hebdomadaires, compte-tenu des réalités des vies des personnes très précaires et des freins à l’emploi auxquelles elles se heurtent.
Pour le groupe écologiste, accompagner n’est pas conditionner.
Un accompagnement intensif et de qualité est nécessairement fondé sur la confiance, la reconnaissance des talents et non sur la contrainte et la peur.
Cet accompagnement doit donc être dissocié du versement de l’allocation, qui constitue déjà un revenu minimal de solidarité avec lequel il est très difficile de survivre.
Nous avons également peu de précisions dans cette délibération sur les immersions en entreprise : que recouvrent-elles exactement ? Selon quelles conditions ? Des immersions au service de qui ?
S’il s’agit pour le Département de faire le lien et d’aider des petites et moyennes entreprises à recruter, c’est cohérent et bienvenu.
En revanche, s’il s’agit d’aider, par exemple, des grands groupes de la malbouffe ou de la surconsommation à obtenir gratuitement des services de ressources humaines, qui relèvent normalement du marché, c’est pour nous, inentendable !
De plus, pourquoi ne pas oser, puisqu’il s’agit d’une expérimentation, un comité de suivi qui intègrerait les associations d’insertion et de solidarité et mobiliserait l’expertise d’usage des allocataires du RSA accompagnés dans le cadre d’une gouvernance partagée.
Gageons que si cette expérimentation donnera surement des résultats en terme de retours à l’emploi des allocataires du RSA vu les moyens alloués, les emplois n’étant pas extensifs pour autant, il y a fort à craindre que la généralisation de l’expérimentation France Travail se traduise par de moindre résultats.
Il ne restera alors qu’une conditionnalité renforcée du RSA, qui aura tendance à favoriser le non-recours à ce droit.
Pour information, trois collectivités de gauche (Ille et Vilaine, Loire Atlantique et la Métropole de Lyon) ont intégré l’expérimentation nationale avec les principes fondamentaux non négociables suivants:
– Refuser tout chantage à l’allocation ;
– Les heures d’accompagnement ne peuvent constituer un travail ou une activité obligatoire ;
– La responsabilité de l’accompagnement doit demeurer décentralisée. Le département doit rester l’autorité en matière de pilotage de la politique RSA et l’expérimentation ne peut en aucune manière remettre en cause le chef de filât du Département.
Ces lignes rouges franchies, ces trois collectivités sortiraient ensemble du dispositif.
Monsieur le Président, Madame la Vice-Présidente,
Je vous invite à lire ce livre d’ATD Quart Monde « En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté » qui répond point par point à plus de 80 de ces idées reçues sur la pauvreté.
Il date de 2013 mais vous le constaterez par vous-même, il est décidément toujours d’actualité.
Je vous remercie.