Contribution sur la politique de l’eau du Département du Nord

Depuis le 12 mai 2022, le département du Nord fait l’objet de mesures progressives de restriction de l’usage de l’eau, en réponse à la situation de sécheresse. L’arrêté sécheresse a été prolongé jusqu’au 30 novembre 2022.

La réunion du COPIL Nord Durable du 18 octobre 2022 visait à présenter les principaux éléments de diagnostic et rappeler les compétences du Département en matière de politique de l’eau, mais aussi d’échanger et construire ensemble un plan d’actions et d’adaptation que pourrait adopter prochainement le Département du Nord.

Dans ce cadre, suite au colloque organisé par le CESER Hauts-de-France sur la politique de l’eau le 8 novembre 2022 et suite à la question d’actualité posée en session du conseil départemental du 21 novembre 2022, le groupe écologiste présente les propositions suivantes visant à renforcer une gestion soutenable de la ressource en eau.

Dans les politiques publiques existantes :

  • Poursuivre la politique d’entretien et de développement des Espaces naturels du Nord, notamment en développant les zones de préemption Espaces Naturels Sensibles (ENS) permettant de protéger des zones humides.  De trop nombreux secteurs humides sensibles du Département du Nord ne relèvent actuellement pas des périmètres des ENS. Afin d’accélérer la restauration des zones naturelles du Nord, le groupe écologiste est favorable à la mise en place d’un système de surveillance et de mesures de protection sans acquisition foncière là où cela est possible, notamment à proximité des ENS existants afin d’étendre les zones protégées, garantir l’efficacité des mesures de protection, mobiliser un large partenariat et accompagner les propriétaires. 
  • Renforcer les moyens dédiés à la politique « Plantation et Renaturation », notamment en élargissant aux exploitations agricoles les organismes pouvant candidater. Dans le cadre de la politique d’entretien du réseau de voiries départementales, développer la plantation/restauration de haies bocagères le long des routes départementales.
  • Mobiliser l’ingénierie départementale d’I-Nord pour accompagner les communes et intercommunalités dans le développement de projets de désimperméabilisation et/ou participant à l’objectif de zéro artificialisation nette, pouvant être financés dans le cadre des dispositifs Aide Départementale aux Villages et Bourgs (ADVB) et Projets Territoriaux Structurants (PTS) et pouvant disposer à ce titre de la bonification Nord Durable.
  • Soutenir les pratiques agricoles vertueuses : agriculture biologique, agroforesterie, développement de cultures résilientes adaptées aux impacts grandissants du changement climatique et des équipements hydro-économes ; dans le cadre du partenariat avec la Chambre d’agriculture concernant la lutte contre le ruissellement et l’érosion des sols.
  • Poursuivre le déploiement de cuves et récupérateurs d’eau de pluie et d’équipements hydro-économes dans les bâtiments départementaux, les collèges et les logements du parc de Partenord, notamment à l’occasion d’opérations de rénovation énergétique.

Nouvelles politiques à mettre en œuvre :  

  • Mettre en place des périmètres de protection d’espaces agricoles et naturels périurbains (PEAN), notamment sur les aires d’alimentation en eau potable. Ces périmètres de protection foncière, définis en partenariat avec les communes volontaires et la Chambre d’agriculture, garantissent aux communes et aux agriculteurs que ces terres sont, sur le long terme, réservées à une activité agricole. Des programmes d’actions sont associés à ces périmètres pour favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs, appuyer les modes d’exploitation respectueux de l’environnement et la protection de la ressource en eau.
  • Mettre en place un moratoire sur les nouveaux projets routiers du Département et suspendre le soutien aux projets d’aménagement du territoire entraînant artificialisation des sols et étalement urbain.
  • S’appuyer sur la compétence “collèges” du Département pour lancer un chantier de désimperméabilisation des cours des établissements en travaillant en même temps sur la lutte contre les îlots de chaleur. Des projets similaires peuvent également être envisagés dans d’autres établissements relevant du Département.
  • Favoriser les projets d’écologie industrielle de l’eau, en lien avec le conseil régional Hauts-de-France et la chambre de commerce et d’industries et, comme le préconise le CESER Hauts-de-France dans son avis du 26 avril 2022 “Vers une grande politique de l’eau en Hauts-de-France” : “conditionner toutes implantations de nouvelles entreprises fortement consommatrices d’eau à la présence d’une ressource d’eau suffisante à proximité ou par interconnexion déjà existante, à l’engagement d’une démarche concertée territoriale d’économie d’eau d’un volume équivalent et, à des garanties apportées sur l’absence d’impact sur les écosystèmes aquatiques et les zones humides concernées”. Le développement de projets d’écologie industrielle de l’eau constitue un enjeu fondamental pour la préservation de la ressource en eau dans notre territoire, où des acteurs industriels fortement consommateurs d’eau sont implantés, notamment sur le littoral dunkerquois, avec entre autres la centrale nucléaire de Gravelines, l’usine sidérurgique Arcelor Mittal Dunkerque et prochainement l’unité de production de pommes de terres surgelées de Clarebout Potatoes à Bourbourg.
  • Soutenir les communes dans la lutte contre les inondations, les ruissellements et l’érosion des sols, dans la mesure où ces aspects ne sont pas repris par les EPCI dans la compétence GEMAPI. Dans ces domaines, le Département pourrait accompagner les diagnostics et améliorer la connaissance des territoires. Une veille stratégique est rendue nécessaire en lien avec l’actualisation des données scientifiques sur l’évolution du changement climatique. Le Département pourrait utilement mobiliser l’expertise de l’ADOPTA et du BRGM au service des communes. La réalisation des travaux d’adaptation et de prévention pourrait ensuite relever des politiques classiques d’aides aux communes avec un bonus Nord Durable plus incitatif. 

Concernant le soutien éventuel du Département du Nord au développement de bassines/réserves de substitution, notamment à l’occasion d’opérations de remembrement agricole, le groupe écologiste :

  • Considère que dans un plat pays qui n’a jamais eu de tradition des “retenues collinaires » dans ses pratiques culturales, cette technique d’irrigation moderne, importée du modèle californien, est un moyen de détourner les mesures juridiques de restriction. Il est possible que le droit Français (sur les arrêtés de sécheresse notamment) évolue avant même que des bassines sortent de terre dans le Nord. 
  • Soutient le développement d’ouvrages visant à favoriser une irrigation de résilience (ou irrigation “de sécurité” nécessitant une très faible quantité d’eau mais de manière régulière) au profit d’exploitations maraîchères destinant leurs productions au marché local.
  • S’oppose au développement d’ouvrages visant à favoriser une irrigation de rendement au profit d’exploitations agricoles intensives et acteurs de l’industrie agro-alimentaire destinant leurs productions à l’export.

Il est à noter que l’avis du CESER Hauts-de-France du 26 avril 2022 “Vers une grande politique de l’eau en Hauts-de-France” préconise notamment de “Conditionner toutes créations de retenues collinaires ou de recharges artificielles à l’expertise du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) et à la prise en compte stricte de ses avis et recommandations, ainsi qu’à leur absence d’impact sur la ressource en eau, les écosystèmes aquatiques et zones humides”. 

Les « réserves de substitution », souvent présentées comme des ouvrages qui permettraient de diminuer la pression sur la ressource en eau en substituant des pompages de printemps/été par des pompages en hiver, n’empêchent pas de créer une pression sur la ressource en eau, en bloquant l’infiltration de l’eau dans les nappes phréatiques, et se traduisant par un gâchis lors des épisodes de fortes chaleurs avec une évaporation des eaux retenues.

Elles participent d’une mal-adaptation aux impacts du changement climatique, d’un partage inégal de la ressource en eau au profit d’une minorité d’exploitations agricoles intensives, et privent le milieu naturel et la biodiversité environnante d’une ressource vitale.

La question des retenues d’eau renvoie ainsi au modèle agricole à soutenir à l’heure du changement climatique, basé sur des cultures résilientes adaptées aux conditions environnementales et à des exploitations respectueuses de l’environnement et de la ressource en eau.