Insertion des allocataires du RSA : Contrat à Impact social, Territoires zéro chômeur de longue durée

Session du conseil départemental du Nord du 21 novembre 2022

Partenariat au titre de l’insertion professionnelle des allocataires du RSA : Contrat à Impact Social, Formation sur l’accompagnement global, Convention de collaboration entre Pôle emploi et le Département du Nord sur les évènements « Réussir sans attendre », soutien à 5 candidats au projet d’expérimentation Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée – Rapport n° DIPLE/2022/503

Vote différencié (vote contre le Contrat à Impact Social, vote pour sur le reste de la délibération)- Interventions de Maël Guiziou et Stéphanie Bocquet, pour le groupe écologiste 

Maël Guiziou, sur le Contrat à Impact Social :

Monsieur le Président, cher.es collègues, mesdames, messieurs,

Nous avons ici une délibération reprenant plusieurs sujets concernant les allocataires du RSA et rien sur la candidature du Département à l’expérimentation du conditionnement du RSA, mis en exergue dans la presse à l’occasion de la venue de M. Dussopt le 18 octobre dernier. 

Nous souhaitons profiter de cette délibération pour rappeler notre opposition à ce dispositif. Le RSA constitue un socle minimal à 598€/mois pour une personne seule, soit bien moins que le seuil de pauvreté. Le conditionner à une quinzaine d’heures par semaine nous éloigne encore plus d’un filet de sécurité inconditionnel, en renforçant la stigmatisation et la logique de surveillance. Or, le non recours est déjà estimé à 30% par la Cour des comptes. Lors du congrès de l’ADF, le projet était à minima confus, certains présidents de Départements parlant de rémunérer ces heures, d’autres non. Or, 15 à 20 heures de bénévolat par semaine, on appelle ça un contrat de travail et si c’est rémunéré, on ne touche plus le RSA ! Bref, ce projet nous apparaît porteur de dérive. Nous serons attentifs au projet et au détail de son application.

Concernant la délibération proprement dite, j’interviens ici sur le contrat à impact social (CIS), ma collègue Stéphanie Bocquet interviendra sur le reste de la délibération. 

Nous sommes favorables à l’innovation sociale, comme l’illustre notre position sur l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée. Cependant, le CIS ne nous apparait pas une innovation pertinente. En effet, il constitue une logique de financiarisation  et de libéralisation du financement de l’action sociale. BNP Paribas finance Positiv planet qui fait une action. Le Département rémunère BNP Paribas avec une marge si les objectifs sont atteints, une logique bien nouvelle pour l’action sociale.

Tout d’abord, le concept de contrat à impact social est un dispositif questionnant sur la méthode. Le Haut Conseil à la Vie Associative a remis en 2016 au Premier ministre un rapport critique sur ce dispositif. Je vous cite le document : 

Jusqu’à ce jour, les Investissements à impact social ont constitué des instruments coûteux. Ils ont comporté des coûts de transaction significatifs que les parties prenantes doivent prendre en considération avant de se lancer […] Il n’est pas évident que ces montages complexes qui visent à organiser autrement le financement de projets se révèlent profitables au final pour la collectivité”. 

Ce rapport pointe les coûts de gestion importants de ces dispositifs, que cela soit en termes de temps pour les fonctionnaires du Département, de rémunération de l’intermédiaire et de l’évaluateur externe. Nous avons d’ailleurs été relativement atterré par les réponses en commission concernant le montage financier.

Les CIS prévoient un bénéfice de l’acteur en cas d’atteinte des résultats contractuels. Ni la délibération, ni les réponses en commission n’expliquent comment la BNP Paribas sera rémunéré, avec quel taux de marge, avec quel indicateur précis d’évaluation de la prestation? Évalué par qui? Comment savoir si ces allocataires sont sortis du RSA grâce à l’accompagnement de Positive Planet ? Il n’est pas sérieux de nous demander d’engager le Département pour un programme de 5,1 millions d’euros dans un montage exotique sans plus de précision.

En terme de bonne gestion des fonds publics, ce programme est donc questionnant, d’autant plus qu’il s’apparente à un PPP social, le privé avançant la somme avec un intérêt à la clé, ce programme devenant une dette cachée pour le Département.

Sur le fond, s’il s’agit d’un suivi dans une logique entrepreneurial, nous avons un partenaire d’expérience ayant la compétence idoine : la Chambre de Commerce et Industrie. Or, la CCI du Nord propose un suivi personnalisé des jeunes entreprises, financé par la Région et le FEDER dans le cadre du programme STARTER. Il serait sûrement possible d’appuyer ce type de programme en lui donnant une connotation insertion correspondant au périmètre de nos compétences. S’il s’agit d’insertion à proprement dite sur le domaine de nos compétences, pourquoi externaliser une mission de service public qui pourrait être exercée par le Département via nos tous nouveaux “coachs emploi” ?

De plus, dans les faits, nombre de ces allocataires du RSA comptabilisé entrepreneurs et travailleurs indépendants ont souvent créés des auto-entreprises dans une logique qui s’apparente plus à la survie économique, vu le faible niveau du RSA, qu’autre chose, ce qui interroge sur la pertinence d’un accompagnement sur l’angle entrepreneurial.

Enfin, le montage financier peut amener l’opérateur à sélectionner les entrepreneurs les plus insérés, pour atteindre ses résultats quantitatifs amenant à rémunération, au détriment du réel besoin d’accompagnement des allocataires les plus éloignés d’un emploi stable et rémunérateur.

Vous l’aurez bien compris, nous voterons contre cette partie de la délibération. Ce dispositif nous apparaît porteur de dérive et trop flous.

Stéphanie Bocquet, sur Territoires zéro chômeur de longue durée :

Monsieur le Président, cher.es collègues, mesdames, messieurs,

Maël Guiziou a rappelé la position du groupe écologiste : la financiarisation des politiques sociales avec le contrat d’impact social ou l’expérimentation d’un RSA sous conditions, rémunération à bas-coût pour les françaises et les français, et donc, les nordistes : pour nous, c’est non!

Non, car il est des dispositifs qui permettent de travailler avec les réseaux existants sur le territoire dans une logique d’écosystèmes pluriels partant du terrain, notamment ceux de l’économie sociale et solidaire et l’insertion par l’activité économique en articulation avec les Territoires Zéro Chômeurs de Longue Durée (TZCLD).

Créé par la loi du 29 février 2016 et renouvelé par la loi du 14 décembre 2020, le dispositif TZCLD est expérimenté dans plusieurs territoires habilités pour embaucher en contrat à durée indéterminée des personnes éloignées de l’emploi.

Trois aspects incontournables : un territoire de consensus, l’implication des personnes privées durablement de l’emploi et les conditions permettant la production d’emplois supplémentaires.

Un dispositif qui permet le retour à l’emploi dans la proximité, durablement, en lien avec un partenariat riche sur nos territoires, un partenariat qui prend le temps de la qualité et pas celui de la précipitation, pour créer des emplois correspondant aux besoins locaux.

C’est pourquoi nous saluons aujourd’hui l’engagement du Département du Nord en faveur des candidatures à l’expérimentation TZCLD des villes de Lille, de Roubaix, d’Armentières, de Bailleul et de Valenciennes, lesquelles viennent rejoindre Tourcoing et Loos.

Nous espérons que les dossiers non matures pourront être revisités et présentés en début d’année prochaine.

Enfin, et nous l’avons rappelé en commission il y a une semaine, il n’y a pas de condition statutaire dans l’esprit de la loi : il faut 6 mois de résidence et un an de chômage pour pouvoir intégrer le dispositif. Aucune autre condition.

Ces TZCLD vont développer des activités utiles, à fort impact social et environnemental et nous nous en félicitons.

Monsieur le Président,

Le groupe écologiste votera pour cette délibération, excepté bien-sûr, pour la sous-délibération 1 concernant le contrat à impact social.

Je vous remercie.