Session du conseil départemental du Nord du 26 septembre 2022
Communication du rapport établi par la Mission d’information et d’évaluation relative à l’Allocation Personnalisée à l’Autonomie (APA) Rapport n° DAJAP/2022/315
Intervention de Céline Scavennec, rapporteure associée de la MIE,
pour le groupe écologiste
Monsieur le Président,
Madame la Présidente de la Mission
Chers collègues,
Je voudrais, pour commencer vous remercier pour l’initiative en décembre dernier de mettre en place cette Mission d’information et d’évaluation, sur un sujet si important et si complexe. Je voudrais surtout remercier Mme la Présidente Valérie Letard pour l’avoir animée avec autant d’engagement, de dialogue, et de m’avoir permis, parce que c’était pour moi une première, d’y prendre toute ma place.
Je voudrais m’associer pleinement aux remerciements qui ont été formulés à l’égard des services départementaux qui nous ont accompagnés pendant plusieurs mois avec une grande compétence pour aboutir à ce rapport.
Et je voudrais aussi, bien évidemment, m’associer pleinement aux conclusions de ce rapport, telles qu’elles ont été présentées par sa Présidente, Madame Létard. Ce rapport nous sera précieux, tant il explique la situation de l’Allocation Personnalisée à l’Autonomie dans le Nord avec une grande clarté et j’espère que les recommandations que nous formulons donneront lieu à des débats féconds.
Cette Mission a démarré ses travaux dans un contexte quand même très particulier, il faut le souligner, au lendemain de la sortie du livre de Victor Castanet « Les Fossoyeurs » qui a révélé le scandale Orpea. Ce n’est pas anodin, et même si ce livre n’évoque pas notre Département, ces révélations ont plané subtilement sur nos travaux. J’y reviendrai.
Comme cela a été rappelé par Valérie Letard, cette question de la politique du grand âge, de l’aide aux personnes âgées, de l’autonomie, montre douloureusement comment nous, échelon départemental, échelon de la proximité, en contact direct avec les habitants sur nos territoire, nous avons une lourde responsabilité, alors même que nous ne disposons que de marges de manœuvre réduites dans un système de financement et de déploiement opérationnel où interviennent aussi l’Etat et l’Agence Régionale de Santé. Nous sommes prisonniers d’un dispositif dans lequel toutes les parties prenantes n’ont ni la même bonne volonté, ni le même agenda.
On ne pouvait pas se contenter de « balayer devant notre porte », excusez l’expression, c’est pourquoi ce rapport propose intelligemment des recommandations qui relèvent de notre décision (1), des recommandations qui concernent des nos partenaires directs (2), et des recommandations dont pourront se saisir nos parlementaires pour faire changer la loi, ou vous-même Monsieur le Président avec les autres départements en France (3).
Stéphanie Bocquet complètera dans quelques instants mon propos au nom du groupe écologiste sur le premier point. Je voudrais surtout insister sur les 2 autres.
Nos partenaires principaux dans la mise en œuvre de l’APA à domicile, sont les communes à travers les CCAS et les structures porteuses de services d’aides à domicile. Et ce qui m’a frappé, quand nous avons rencontré les têtes de réseaux des SAAD, c’est l’unanimité avec laquelle elles ont dénoncé le manque de dialogue avec le Département. On peut se rassurer en se disant qu’avec d’autres institutions c’est pire, mais j’espère pour ma part que le dialogue et la confiance étant bien rétablis, nous allons pouvoir le poursuivre. La concertation avec l’ensemble des acteurs doit être continue, à travers la CDCA, les CPOM ou autres …. Oui, la politique de l’autonomie souffre de nombreux abus, dont l’abus de sigles, jargon et acronymes … Il y a clairement un problème d’information, de lisibilité, et le manque de concertation est un obstacle supplémentaire. Je formule par ailleurs, Monsieur le Président le souhait, en tant que rapporteure « associée » de la Mission, de continuer à être associée, sous une forme ou une autre, au suivi de sa mise en œuvre.
Cette Mission a démarré autour de « l’enjeu de maîtrise de croissance de l’APA » (je cite). Il s’agit de regarder avec lucidité le phénomène de vieillissement de la population qui est face à nous. Le nombre de personnes âgées augmente, l’espérance de vie augmente, ce qui se traduit aujourd’hui par une augmentation de bénéficiaires de l’APA, et une part de plus en plus conséquente du budget départemental consacrée à cette allocation. Les projections sont indiquées en première partie du rapport et je ne les discute pas. Je souhaite à toutes et tous de vivre le plus longtemps possible en bonne santé. Nous consacrons cependant peu de moyens à la prévention de la perte d’autonomie et à la lutte contre l’isolement. (existe-t-il un chemin qui déconnecte géronto-croissance et dépendance-croissance ? je ne dis pas que c’est une solution pour nous tirer d’affaire, mais on peut limiter peut-être l’emballement) Les questions de santé sont aussi des questions culturelles et sociétales et je souhaitais le rappeler pour que soient aussi engagées des pistes de réflexion avec un cercle plus large que les professionnels du sanitaire ou du médico-social.
Il existe aussi peut-être une autre piste pour la santé financière de notre Département, je reprendrai vos mots Monsieur le Président : la « culture de la recette ». Regardons du côté de ceux qui gagnent de l’argent dans la situation actuelle. Les grands groupes privés se sont implantés gratuitement sur nos territoires et leur rentabilité est aujourd’hui insolente (sans même parler de certaines pratiques illégales comme ORPEA). Récemment, Laure de la Bretèche, directrice déléguée des politiques sociales de la Caisse des dépôts, et Jean-François Vitoux, directeur général d’Arpavie (groupe associatif) faisaient une proposition intéressante de redevance payée par les groupes d’EHPAD privés en contrepartie de l’implantation sur nos territoires. Une telle recette pourrait légitimement être perçue par les Départements. C’est peut-être un sujet à aborder, Monsieur le Président, à vos collègues lors des prochaines Assises Nationales des Départements de France à Agen en octobre ?
Au passage, il serait intéressant de savoir si des Conseils départementaux envisagent de porter plainte, comme l’ont fait l’Etat et certaines familles, au motif – pour ce qui concerne les Départements – d’abus sur les fonds publics dans le versement de l’APA en établissement.
Nous accompagnons, par nos politiques départementales, ce qu’on appelle le « virage domicilaire » c’est-à-dire le maintien à domicile des personnes âgées le plus longtemps possible. C’est vraiment ce qui est souhaité par les personnes concernées. Considérant que l’EHPAD n’est pas un domicile, il y a aujourd’hui de nombreuses nouvelles définitions du « domicile » : habitat inclusif, habitat partagé, etc. qui appellent des solutions variées d’accompagnement de la perte d’autonomie tout en luttant contre l’isolement. La CNSA, son Président nous l’a rappelé, souhaite encourager ces nouvelles formules vers lesquelles le Nord pourrait être en pointe.
Nous parlons là de perspectives à long terme, d’investissements contribuant à la redynamisation de villages, de bourgs, et de quartiers dans les secteurs plus urbains. On a vu à travers nos visites de terrain, je pense en particulier à l’établissement de Willems, comment ces équipements peuvent aussi résoudre l’épineux problèmes des métiers, du recrutement et de l’épanouissement au travail des professionnels (qui est très bien décrit dans le rapport).
Or on voit mal comment envisager ces perspectives sans une véritable loi « Grand Âge », première promesse du Président de la République, plusieurs fois reportée, et finalement abandonnée.
Sur ce beau défi, je laisse Stéphanie Bocquet poursuivre.
Intervention de Stéphanie Bocquet, pour le groupe écologiste
Monsieur le Président,
Madame la Présidente de la Mission,
Cher.es collègues,
Comme l’a rappelé Céline SCAVENNEC, notre groupe se félicite de la manière dont s’est déroulée cette Mission d’information et d’évaluation et du rapport qui nous est aujourd’hui présenté.
Nous y avons contribué en formulant des propositions écrites concernant le soutien aux Services d’aide et d’accompagnement à domicile, acteurs essentiels de la proximité et du maintien à domicile, aujourd’hui en situation de grandes difficultés.
Tout d’abord, concernant les difficultés de recrutement dans ce secteur sur les territoires, il nous semble déplacé de conditionner les partenariats avec le Département à l’emploi de bénéficiaires du RSA.
Vous mettez avec cette mesure, des structures associatives déjà fragiles financièrement dans des injonctions contradictoires. Cela apparaît très bien dans les comptes rendus des auditions.
Faisons leur confiance, nous ne doutons pas de leur volonté de permettre d’embaucher et de former d’anciens bénéficiaires du RSA si cela se présente.
Ensuite, la question des déplacements des aides à domicile devient, avec l’augmentation des prix des carburants, un problème majeur.
Nous proposons de sortir complètement les frais de déplacement du coût horaire du service (dont on sait qu’il est déjà sous-évalué) et de soutenir le poste « mobilité » des Services d’aide et d’accompagnement à domicile, par une dotation spécifique qui leur permettrait de s’équiper de flottes de véhicules électriques.
Cela encouragerait la transition vers la mobilité électrique, et améliorerait les conditions de travail des auxiliaires de vie.
Rappelons que ce métier est aujourd’hui le plus souvent exercé par des femmes, que le salaire reste très bas (malgré sa revalorisation par l’avenant 43), et que ces femmes doivent faire leur tournée avec leur véhicule personnel.
Enfin, comment seront traduites concrètement, Monsieur le Président, les recommandations de ce rapport dans notre politique départementale ?
Envisagez-vous une délibération-cadre ?
Envisagez-vous également de renégocier notre convention pluriannuelle de partenariat avec la CNSA qui a été votée en mai dernier ?
Je vous remercie.