Introduction:
EDF, maître d’ouvrage, envisage de construire deux réacteurs nucléaires de type “EPR2” à proximité des six réacteurs déjà installés au sein de la centrale nucléaire de Gravelines, ainsi que leur raccordement par RTE au reste du réseau électrique. Les travaux préparatoires pourraient débuter en 2026, avec l’objectif de mise en service des nouveaux réacteurs à l’horizon 2038-2039.
La construction des EPR2 d’une puissance respective de 1670 MW aurait un coût estimé à 18,1 milliards d’euros selon le dernier rapport de la Cour des Comptes consacré à la filière EPR publié le 14 janvier 2025. Ce rapport indique en outre que “le coût de construction overnight de trois paires d’EPR2 est passé de 51,7 Md€2020 à 67,4 Md€2020 (soit 79,9 Md€2023), soit une augmentation de 30% à conditions économiques inchangées et hors effet de l’inflation.” La Cour des Comptes recommande de “retenir la décision finale d’investissement du programme EPR2 jusqu’à la sécurisation de son financement”. (rapport de la Cour des Comptes “La filière EPR : une dynamique nouvelle, des risques persistants, 14 janvier 2025).
L’avis du Groupe écologiste au Département du Nord entre en cohérence avec le cahier d’acteur des Écologistes Nord Pas-de-Calais et l’avis de la délégation écologiste au conseil régional des Hauts-de-France, concordants sur les impacts négatifs de ce projet d’infrastructure construite sur notre littoral.
Ce projet présente un coût financier exorbitant et apparaît incohérent avec les besoins de diversifier notre mix énergétique. Outre ces critiques, le groupe écologiste au Département du Nord souhaite souligner que ce projet engendre des risques majeurs pour le territoire et ses habitants. Le Département du Nord a la responsabilité de protéger et prévenir des risques sur son territoire à travers le Service Départemental d’Incendie et de Secours du Nord. Cette importante responsabilité justifie notre décision de s’opposer à la poursuite du projet.
Impact négatifs du projet au regard des risques majeurs pour le territoire et ses habitants :
Le projet ignore largement la réalité des changements climatiques. Alors que le rapport de la Cour des Comptes dédié à la filière EPR rappelle les retards systématiques du programme EPR2, ceux-ci vont supposer une actualisation des données climatiques du projet.
Avec l’augmentation de la hausse des températures, le niveau de la mer va inexorablement monter, à cause de la fonte de la calotte glaciaire ainsi que la dilatation des océans. Le sixième rapport du GIEC montre que la hausse du niveau de la mer est de plus en plus rapide, avec une différence de plus de 3mm/an par rapport au siècle dernier. Cela va provoquer des inondations chroniques à marée haute et localement une submersion du littoral lors d’évènements météorologiques comme les tempêtes.
De plus, Gravelines, située au cœur du Delta de l’Aa, est une commune construite sur un polder, c’est-à-dire un territoire se situant en dessous du niveau de la mer, tenu émergé par un système de canaux et d’endiguement artificiel. C’est alors un territoire naturellement inondable et donc avec d’importantes vulnérabilités.
Également, comme le souligne le rapport “La centrale nucléaire de Gravelines – Un château de sable en bord de mer” de Greenpeace, publié en octobre 2024, le territoire est soumis à un effet de subsidence, c’est-à-dire d’enfoncement du terrain sous le poids des infrastructures présentes sur la côte. Cet effet aggravera le risque de submersion marine. Il est nécessaire d’en tenir compte et nous regrettons que le débat public, tel qu’il a été conduit par la CNDP, n’a pas permis d’informer sérieusement tous les acteurs du territoire (entreprises, habitants, pouvoirs publics).
Face à ces constats, il semble absurde de construire de nouveaux réacteurs nucléaires dans une zone aussi vulnérable aux aléas climatiques et aux risques majeurs de submersion. Le Centre d‘études sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), a annoncé qu’un certain nombre de terres et de maisons situées sur le littoral de la côte d’Opale étaient amenées à disparaître d’ici la fin du siècle, dont le site de l’EPR2 (selon la projection cartographique de Greenpeace, rapport “La centrale nucléaire de Gravelines – Un château de sable en bord de mer”, octobre 2024).
La nature de l’emplacement choisi pour construire les nouveaux réacteurs implique de soumettre le territoire à des risques majeurs tels que des risques d’accident nucléaire et d’autres risques complémentaires.
En effet, avec des événements climatiques extrêmes imprévisibles, et alors même qu’il est prévu une plateforme surélevée pour y poser la paire d’EPR2, aucun autre équipement ne serait protégé, les digues de protection prévues autour du CNPE pourraient ne pas suffire pour assurer la sécurité du site nucléaire. En cas de submersion du site de la centrale, le refroidissement des réacteurs pourrait ainsi être menacé.
Le rapport de la Cour des comptes de mars 2023 sur l’adaptation au changement climatique relève que le scénario climatique le plus alarmiste du GIEC (SSP 5-8.5) a été exclu de la conception des EPR2. Il soulève que la marge prévue par EDF est insuffisante pour faire face à des événements climatiques extrêmes causés par la fonte de la calotte glaciaire.
Le Dunkerquois compte un important nombre de sites classés dangereux pour risques technologiques (SEVESO) dont certains se trouvent proches de la zone retenue pour la construction des nouveaux nucléaires. En cas d’incident sur un site SEVESO, cela pourrait menacer les réacteurs nucléaires à proximité. Également, l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nationale a souligné que l’appontement pétrolier des Flandres, site sur lequel des hydrocarbures hautement inflammables sont stockés, pourrait provoquer un risque majeur d’incendie menaçant les EPR2. Il y a donc une accumulation des risques majeurs sur le territoire.
Dans sa note de synthèse du 6 septembre 2024 relative aux risques induits par les agressions externes d’une installation nucléaire liées à un environnement industriel, ciblée sur le projet EPR2 de Gravelines, l’IRSN souligne la nécessité de réévaluer les mesures de protection conséquentes aux risques accumulés de proximité d’installations industrielles réalisant des activités dangereuses, trafic maritime de matières dangereuses sur le chenal d’accès au port de Dunkerque qui longe la centrale, présence de canalisations de transport de matières dangereuses, proximité des 6 anciens réacteurs vieillissants dont 4 ont plus de 40 ans (leur conception n’a donc pas intégré cette accumulation de risques).
Avis du groupe écologiste au Département du Nord :
La cohabitation est impossible entre 2 nouveaux réacteurs EPR2 et :
- les risques climatiques à ce jour identifiés pour le territoire du dunkerquois
- les risques industriels majeurs à proximité du site nucléaire (les installations industrielles dangereuses, le trafic maritime de matières dangereuses, les 6 vieux réacteurs)
- le projet stratégique de développement du Grand Port de Dunkerque (qui sera contraint par la présence durable de l’EPR2, alors que le démantèlement progressif de l’ancienne centrale pouvait ouvrir d’autres opportunités)
- l’état des finances publiques de notre pays qui ne pourra pas faire face aux surcoûts liés à la protection des populations.
Propositions alternatives:
Le groupe écologiste au Département du Nord propose des alternatives à la construction des nouveaux EPR:
- Mener des politiques de sobriété et d’efficacité énergétique pour réduire notre consommation d’énergie afin d’atteindre notre objectif national de neutralité carbone d’ici 2050.
- Développer les énergies renouvelables: Les énergies renouvelables sont moins coûteuses à produire et constituent l’avenir du mix énergétique français.
- Abandonner le projet tel qu’il est présenté et mieux prendre en compte les réalités scientifiques du réchauffement climatique dans la conception de projets de telle envergure.
À la lecture des différentes pièces du dossier de débat public, le groupe écologiste au Département du Nord exprime donc un avis défavorable au projet de construction d’EPR 2 de Gravelines. Nous appelons à son abandon et à la prise en compte de nos propositions alternatives.