0.1 – Rapport d’orientations budgétaires 2025 Rapport n° DFCG/2025/3
Prend Acte – Intervention de Laurent Périn
Monsieur le Président,
Monsieur le vice-président,
Cher.es collègues,
Vous introduisez votre rapport d’orientations budgétaires 2025 pour le Département du Nord, en pointant le contexte national. Je vous cite « L’instabilité politique nationale avec la succession de quatre Premiers ministres en moins d’un an pénalise la construction des budgets locaux ».
Certes, l’obstination du Président de la République à fermer les yeux sur les résultats des dernières élections législatives, et vouloir maintenir sa politique pourtant sanctionnée, n’a pas aidé. Mais les difficultés budgétaires trouvent davantage leur origine dans les décisions nationales prises ces dernières années (gels de dotations, perte d’autonomie budgétaire, absence de compensation de décisions nationales…). J’y reviendrai.
En tout état de cause, le Département du Nord est sans doute l’une des dernières collectivités à engager ses travaux budgétaires (la Région Hauts-de-France ayant déjà voté son budget primitif le 21 mars et notre voisin du Pas-de-Calais le 24 mars).
Ce débat très tardif est problématique car d’une part, il ne permet pas un échange transparent avec nous, les conseillères et conseillers départementaux ; vous préférez distiller des informations sur des choix budgétaires dans la presse que d’en débattre, c’est déplorable. Mais surtout, vous laissez dans l’incertitude de nombreux partenaires, associations sur les financements possibles, la poursuite des engagements. Ce n’est pas acceptable.
Pour en revenir, au rapport proprement dit, avec la suppression de la taxe d’habitation en 2021, le transfert de la part départementale de la taxe sur le foncier bâti au profit du bloc communal, la suppression de la CVAE, le Département du Nord est, cette année encore, toujours tributaire des fluctuations économiques puisqu’il n’a plus aucun levier fiscal à sa disposition pour ses recettes.
Nous sommes donc bien dans une situation budgétaire dégradée, comme la plupart des départements : c’est un fait. Pour preuve, la dégradation sans précédent de l’épargne et une épargne nette négative.
Sur les recettes, vous pointez à juste titre le gel de la dotation globale de fonctionnement, loin de son indexation sur l’inflation, réclamée par les Départements de France, la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), l’écrêtement d’une fraction de la TVA.
Nous l’avons déjà dit, il est urgent de remettre en place une véritable fiscalité locale pour sortir de la politique de dotation de fonctionnement et de transfert d’une fraction de TVA ; politique qui induit des incertitudes budgétaires et la dépendance du Département, à l’activité économique et commerciale, activité qui par nature est très fluctuante.
Sur les DMTO, nous y reviendrons, mais vous vous emparez de la possibilité donnée aux Départements d’augmenter le taux des DMTO de 0,5 points.
Vous avez raison de vous engager sur toutes les possibilités de recettes qui sont prévues actuellement. Dans le même esprit, nous proposerons un amendement sur la taxe d’aménagement pour retrouver des recettes essentielles qui nous manquent tant aujourd’hui.
Autre baisse importante issue de la loi de finances 2025, l’enveloppe nationale du Fonds vert abaissée à 1,15 Md€. Une fois n’est pas coutume, nous partageons les propos de votre rapport « Cette baisse du Fonds vert aura un double effet négatif : elle entraînera d’une part une baisse de l’investissement local, et d’autre part, ralentira les nécessaires adaptations au changement climatique. ». En revanche, quelles conséquences de cette baisse sur les choix, les orientations budgétaires du Département ? Nous n’en voyons pas la trace dans votre rapport.
Toujours sur les recettes, je tenais à attirer votre attention sur la seule hausse importante de recette avec la Taxe Spéciale sur les Conventions d’assurances : une augmentation de + 45,5 Millions€ avec une prévision de 435,5M€ : ce qui confirme sa place importante (2nde après la TVA) en matière de recette pour le Département du Nord. En apparence, une bonne nouvelle dans ce contexte budgétaire dégradé, mais attention, cette augmentation est liée à l’augmentation des coûts des assurances, à l’augmentation des sinistres. Conséquence : les collectivités locales ont de plus en plus de mal à s’assurer. Les franchises des contrats d’assurance ont fortement augmenté. Des communes se retrouvent donc sans assurance ou voient leur budget grevé par les prix exorbitants de celles-ci. D’après les chiffres de l’association des maires de France, environ 1 500 communes auraient fait face à des difficultés à s’assurer depuis début 2025.
Il est donc indispensable de flécher ces recettes supplémentaires pour protéger les nordistes des catastrophes climatiques qui sont de plus en plus fréquentes, et aider les collectivités à adapter, rénover les bâtiments publics, végétaliser...
A cette situation dégradée des recettes s’ajoute une augmentation très soutenue des dépenses du secteur social des Départements : hausse des cotisations de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, dépenses liées à la perte d’autonomie, le handicap ou la protection de l’enfance.
Vous insistez dans votre rapport sur l’impact de différentes mesures étatiques (estimées à un coût net pour 2025 de 164 M€) ; mesures non concertées, non compensées. Vous avez raison de pointer ces éléments, tant ces mesures ont des conséquences directes sur la construction du budget du Département et sur les politiques menées en soutien aux personnes et aux territoires les plus fragiles.
Mais, vous vous étiez targué de votre proximité avec des ministres, de l’atout d’avoir des membres du conseil départemental, ministre. Et pourtant où sont-ils aujourd’hui pour soutenir le département? C’est votre majorité qui gouverne, il est donc un peu facile de renvoyer au national en permanence.
Sur les autres dépenses, qu’elles soient d’investissement ou de fonctionnement, difficile de comprendre à travers ce rapport quelles sont réellement vos orientations : c’est encore très flou.
D’une manière générale, beaucoup d’éléments sur ce qui a été fait ces dernières années, mais peu sur ce qui est prévu en 2025. Nous avons le sentiment que vous ne voulez pas annoncer et assumer les coupes budgétaires à venir : en matière de prévention, d’insertion, d’éducation, de culture…
Un mot sur la politique menée envers les allocataires du RSA, et surtout celle que vous mettez en avant sur leur retour à l’emploi. Dans votre rapport, vous indiquez que « Parmi les 18 premiers Départements expérimentateurs (pour un “accompagnement rénové des allocataires du RSA”), le Nord est aujourd’hui celui qui présente les meilleurs résultats : le taux de non-versement du RSA, au bout de 12 mois d’accompagnement, a atteint dans le Nord 48,8% contre 39,6% au niveau national. » Ce qui importe pour vous, c’est donc le taux de non-versement ! On voit bien la logique purement budgétaire du département dans cette expérimentation : verser le moins possible.
A la Voix du Nord, vous disiez il y a quelques jours « J’ai changé. J’avais un profil entreprise. Je suis beaucoup plus attentif aux solidarités et à l’être humain. » Au vu de cette approche comptable et d’un certain nombre de politique que vous menez, permettez-nous d’en douter.
Par ailleurs, nous attirons votre attention sur les difficultés de certaines structures du social, du médico-social, liées au financement du département des revalorisations salariales issues du Ségur. Cette décision impacte considérablement leur trésorerie et menace leur pérennité. Le département doit aider concrètement, financièrement ces structures.
Sur les investissements, nous comprenons qu’ils porteront en premier lieu sur la voirie, secteur sur lequel plus de 73 M€ seront consacrés intégrant de grands projets routiers ; en revanche , peu de clarté sur les autres types d’investissement mais qui globalement seront en baisse.
Vous préférez donc construire des routes, que d’aider les nordistes en difficulté.
Dans un contexte de contrainte budgétaire, il aurait été pourtant de bonne gestion de réinterroger la pertinence de certains projets. Les réinterroger, au regard des enjeux environnementaux, climatiques, de l’intérêt général ; le 27 février dernier, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’autorisation environnementale délivrée au concessionnaire, qui lui permettait de construire l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres. Le tribunal a jugé qu’il n’existait pas de raison impérative d’intérêt public majeur et que les gains espérés par la construction de cette autoroute n’étaient pas suffisants par rapport aux atteintes à l’environnement. A n’en pas douter, cette décision fera jurisprudence et prouve que compte tenu de l’accélération des effets du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, les nouveaux projets d’investissement ne peuvent plus bafouer le droit environnemental.
Nous rappelons aussi tout l’intérêt de mettre en place un budget vert, comme le font de plus en plus de collectivités, pour intégrer les considérations environnementales tout au long du processus budgétaire, de la construction au vote budgétaire et enfin lors de l’évaluation. Nous avons hâte de découvrir en juin prochain, l’annexe obligatoire au compte administratif 2024, analysant les impacts positifs ou négatifs des dépenses d’investissement sur l’environnement.
Une autre approche budgétaire intéressante, est celle qui aurait pu être mise en œuvre au regard du Schéma d’amélioration de l’accessibilité des services au public (SDAASP). Dans la suite du conseil, vous allez nous présenter la stratégie 2025-2030 du Département en la matière, qui recense les orientations et actions mais sans engagement budgétaire. Il serait donc pertinent de pouvoir identifier, voire orienter les décisions budgétaires en fonction du SDAASP.
Pour conclure, ce rapport d’orientations budgétaires démontre à nouveau que les décisions budgétaires et austéritaires nationales, ainsi que les priorités anachroniques du Département du Nord en matière d’investissement menacent trop souvent les dispositifs d’aide sociale et de solidarité.
Je vous remercie