Budget supplémentaire 2023

Rapport n° DFCG/2023/370
Votre contre – Intervention de Laurent Périn

Monsieur le président,

Monsieur le vice-président,

Cher.es collègues,

Vous nous présentez aujourd’hui le Budget Supplémentaire 2023, dans la droite ligne de toutes les délibérations budgétaires que vous avez prises depuis le début du mandat. Pourtant face à la multiplication des événements climatiques exceptionnels, des catastrophes naturelles, à la disparition rapide de la biodiversité, aux alertes des scientifiques, et à une situation sociale extrêmement difficile pour les plus modestes dans un contexte d’inflation généralisée et persistante, il était urgent de réorienter un certain nombre de choix pour le département du Nord.

Une récente étude de l’INSEE, rappelle que le département du Nord est toujours particulièrement marqué par la pauvreté : Ainsi, 18,4% des nordistes vivent sous le seuil de pauvreté quand le taux national est à 14,4%. Le département, en tant que chef de file des solidarités, doit jouer pleinement son rôle ; il ne doit pas simplement accompagner la pauvreté mais bien tout mettre en œuvre pour l’éradiquer.

Alors, les éléments principaux de ce budget supplémentaire sont pour le moins contradictoire avec ces objectifs : tout d’abord, la reprise du résultat de l’exercice précédent (240 M€). Nous vous l’avions déjà dit lors de la présentation du compte administratif : cet excédent est particulièrement problématique dans un contexte socio-économique difficile. Encore plus problématique, est le choix que vous faites dans le cadre de cette délibération, de diminuer le besoin d’emprunt à hauteur de 85M€ alors que le niveau d’endettement du département du Nord est particulièrement bas.

Ce choix réaffirmé de favoriser une excellente santé budgétaire, marque encore une fois, votre retard, votre manque d’ambition en matière d’investissements ou même des politiques à destination des plus modestes.

Évidemment, nous n’ignorons pas dans quel contexte budgétaire nous nous trouvons, notamment en ce qui concerne les recettes. Ce budget supplémentaire démontre encore une fois la difficulté d’un pilotage budgétaire avec des marges de manœuvre en matière de recettes fiscales quasi-nulles. La volonté de supprimer une véritable fiscalité locale pour une politique de compensation et dotation de fonctionnement est renforcée avec la confirmation de la suppression de la part de la CVAE. La compensation par un transfert d’une nouvelle fraction de TVA renforce encore les incertitudes budgétaires et la dépendance du département, à l’activité économique et commerciale, qui par nature est très fluctuante.

Si on ajoute la non indexation de la DGF sur l’inflation ou la non-compensation de revalorisations salariales par l’Etat, l’exercice est particulièrement complexe.

L’augmentation des prix impacte directement notre collectivité qui assure le fonctionnement de nombreux services publics directement ou indirectement comme les cantines des collèges. L’indexation de la DGF sur l’inflation (qui je le rappelle, continue à être très importante puisqu’elle devrait atteindre près de 6% en 2023) est donc indispensable pour réduire ce décalage croissant entre la DGF versée et la réalité des charges assumées.

Dans ce budget supplémentaire, concernant une des principales recettes départementales, les DMTO, vous annoncez une baisse importante sur 2023, revues dans ce budget à 350 M€. Même si cela correspond effectivement à une baisse de -23% par rapport à 2022, ce montant se situe dans les mêmes niveaux que ceux enregistrés en 2019 et 2020.

Et puisque vous avez revu à la baisse les DMTO, n’y avait-il pas nécessité de revoir à la hausse les recettes liées au reversement de la part de TVA (au vu de l’inflation plus importante que prévue en cette année 2023) ?

Dans la suite de votre présentation, vous insistez sur différentes mesures gouvernementales qui imposent de nouvelles dépenses (augmentation du SMIC, augmentation du point d’indice, réévaluation des grilles B et C, réévaluation de plusieurs prestations et allocations).

Par ailleurs, dans le cadre de la présentation du Projet de loi de Finances 2024, le gouvernement a annoncé une hausse (légitime) du RSA de 4,6% qui représente une dépense supplémentaire de 30 millions d’euros pour le département du Nord, sans compensation à ce stade. Monsieur le Président, vous avez annoncé sur le réseau social X-ex-Twitter, que le Département ne disposait pas de ces 30 millions d’euros. Pourtant, le Budget supplémentaire 2023 prévoit déjà un solde pour provisions et dépenses imprévues de 41,8 millions d’euros. Surtout, cela marque une nouvelle fois l’intérêt d’une recentralisation du financement du RSA, que le groupe écologiste avait défendu dans une motion dès novembre 2021, qui permettrait de mettre fin à cette non-compensation par l’Etat de cette dépense de solidarité. Une recentralisation du financement qui permettrait surtout au Département de dégager des moyens supplémentaires pour l’accompagnement et l’insertion des allocataires du RSA, comme c’est le cas en Seine-Saint-Denis. 

Au-delà des dépenses contraintes, vous revalorisez quelques dépenses de fonctionnement. Le Département veut renforcer notamment sa politique de protection de l’Enfance, avec un budget supplémentaire de 5,9 M€. Evidemment, c’est une bonne chose, mais nous sommes encore loin du compte dans la réalité. La situation sur le terrain semble toujours très préoccupante pour l’aide sociale à l’enfance.

Mais, sur d’autres dépenses de fonctionnement, vous maintenez les subventions, sans tenir compte de la forte inflation : c’est le cas des subventions aux associations qui ne suivent pas l’inflation, notamment pour les structures d’aide alimentaire (mais nous y reviendrons plus en détail dans la suite du conseil).

Les associations d’aide alimentaire sont probablement les plus touchées par l’inflation, puisque c’est précisément sur les produits alimentaires que celle-ci a été et reste la plus importante, mais c’est bien l’ensemble des associations d’aide aux plus pauvres qui sont impactées et c’est vraiment « la double peine » parce que, d’un côté augmentation des coûts sans moyen supplémentaire et de l’autre côté, augmentation des bénéficiaires, du fait de l’inflation.

Vous auriez pu profiter de ce BS pour revaloriser l’aide à la demi pension, d’autant plus que vous notez par ailleurs une baisse des demandes de la demi-pension, qui, certes, vous conforte sur l’approche budgétaire, mais qui nous interroge sur le fond, sur les raisons d’une telle diminution.

Sur le volet « ressources humaines » de cette délibération, nous actons favorablement la création de postes prévue notamment ceux décidés dans le cadre du déploiement de centres de santé départementaux. Même si nous sommes encore loin du compte, dans de nombreux secteurs des politiques départementales, et notamment l’aide sociale à l’enfance, ou le SDIS où je vous rappelle que le groupe écologiste continue d’appeler à la mise en place d’un plan pluriannuel d’embauche de sapeurs pompiers professionnels.

Pour terminer ce volet RH, nous nous étonnons de ne pas voir, comme l’ont évoqué nos collègues socialistes en commission, la proposition de passer à une prise en charge à 75% de la valeur des abonnements de transport en commun pour les agents du département. En effet, le décret n°2023-812 du 21 août 2023 augmente de 50% à 75% la prise en charge par les employeurs publics du prix des abonnements à un moyen de transports publics ou à un service public de location de vélos souscrits par leurs agents publics pour leur déplacements entre la résidence habituelle et le lieu de travail, à compter du 1er septembre 2023. Nous demandons la mise en œuvre sans délai de cette disposition, bonne pour le pouvoir d’achat et bonne pour la planète.

Par ailleurs, il serait aussi intéressant d’accorder, comme l’ont annoncé de nombreuses collectivités, notamment la métropole de Lyon  une prime exceptionnelle “pouvoir d’achat” progressive allant jusqu’à 800€ afin de permettre à nos agents publics de renforcer leur pouvoir d’achat.

Nous avons un devoir d’exemplarité en tant qu’employeur, afin de préserver le pouvoir d’achat de nos agents, mais aussi en rendant leurs métiers attractifs pour continuer d’assurer à tous les habitants, un service public de proximité de qualité.

Sur les investissements, les crédits supplémentaires inscrits au BS (+ 6,7 M€) proviennent principalement de décalages d’opérations et d’augmentation de coûts. Vous le savez, nous avons un désaccord de fond sur les investissements prioritaires que vous avez choisis (nouveaux aménagements routiers), au lieu de mettre réellement les moyens en investissements structurels pour faire face à l’urgence écologique et sociale, et notamment dans la rénovation thermique des bâtiments.

Ce budget supplémentaire confirme malheureusement les éléments déjà présentés depuis le début de mandat et notamment le manque d’ambition et d’anticipation dans les politiques proposées.

Il rappelle l’importance d’un pilotage budgétaire plus réactif, notamment à travers cet exercice du budget supplémentaire qui doit davantage coller à la réalité.

Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, chers collègues, le groupe écologiste EELV-Génération.s votera donc contre ce budget supplémentaire 2023.