Mieux protéger nos aînés

Mieux protéger nos aînés : prévenir la perte d’autonomie, lutter contre l’isolement social des séniors, et soutenir les structures accueillant des personnes âgées et des personnes en situation de handicap Rapport n° DirAPU/2023/186 

Pour – Intervention de Céline SCAVENNEC

Monsieur le Président,

Mesdames les vice-présidentes en charge des personnes âgées et des personnes en situation de handicap

Chers collègues,

Cette délibération commence par rappeler quelques chiffres du vieillissement de la population dans le Nord, afin qu’on prenne bien la mesure des services publics et politiques sociales à mettre en oeuvre, et propose un grand nombre d’actions, sur lesquelles il convient de se pencher dans le détail, mais sur lesquelles je voudrais d’abord dire qu’elles vont vraiment dans la bonne direction.

Effectivement, mettre la priorité sur la prévention de la perte d’autonomie, sur la lutte contre l’isolement des personnes âgées, ou encore sur l’écoute des personnes concernées, cela est essentiel. Notre groupe avait d’ailleurs insisté fortement sur ces points lors de la présentation devant cette assemblée du rapport final de la Mission d’Information et d’Evaluation sur l’APA.

Nous allons donc dans la bonne direction, mais comme nous y allons lentement !

Je reviendrai sur cette lenteur dans mon intervention au nom du groupe écologiste, car elle n’est pas sans faire écho pour nous à d’autres lenteurs dans la mise en œuvre de solutions face à une catastrophe annoncée, je pense au changement climatique : on sait ce qui va se passer, et on perd un temps fou avant de réagir. Par rapport au vieillissement de la population et la perte d’autonomie des personnes âgées, c’est la même chose : nous disposons des données, elles sont encore rappelées dans une des annexes à cette délibération, mais c’était aussi le cas dans le rapport de la MIE sur l’APA, toute la question est celle du passage à l’action.

Or la MIE avait un enjeu financier : comment éviter que le budget du Département soit encore davantage déséquilibré du fait du versement de l’APA à un nombre toujours plus élevé de bénéficiaires ? Si on ne peut pas agir sur la démographie en général bien évidemment, et tant mieux si on vit plus longtemps, on doit pouvoir agir sur la part des personnes âgées qui vieillissent en bonne santé le plus longtemps possible, par rapport à celles qui doivent bénéficier de l’APA et d’autres services, soins, hébergements, encore plus coûteux.

Dès lors, la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées est vraiment le sujet qui doit nous mobiliser le plus possible, et dans un partenariat très large de toute la société.

La prévention commence donc très tôt, elle commence déjà avant l’âge de la retraite et elle est liée aux conditions de travail et aux conditions d’existence des nordistes. En décalant l’âge de départ à la retraite à 64 ans, nous intégrons donc un handicap supplémentaire dans l’équation.

Ensuite, la prévention passe d’abord par l’information, la bonne communication c’est quand le bon message atteint la bonne cible, et donc il y a toute une subtilité, que la MIE sur l’APA avait d’ailleurs pointé lors de notre séance d’audition avec les caisses de retraite, et qui est de définir à quel âge il faut commencer à se préoccuper de tel ou tel sujet de santé, comment identifier les signes précoces, etc. ?

Il y a dans le programme coordonné 2023-2026 de la Conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie plusieurs objectifs autour de l’information, et c’est très bien, d’autant que ces objectifs sont issus des remontées des besoins dans le cadre d’ateliers participatifs. Si j’ai bien compris, au début c’était très difficile de trouver des personnes volontaires pour se mobiliser dans ces ateliers. C’est donc un effort à poursuivre, avec les appels à projet Phosphor’Age et en s’appuyant sur les acteurs de proximité que sont les communes bien sûr, mais surtout les associations comme les centres sociaux.

Dans le cadre de la MIE sur l’APA, nous avions également pu auditionner M. Libault. Et je voudrais remettre ici dans le débat 2 sujets évoqués avec lui et qui sont curieusement absents de cette délibération, pourtant très riche : l’enquête auprès des personnes âgées qui était en annexe du Rapport Libault mettait en avant un important besoin en santé mentale. Je m’étonne que la dimension psychologique de la perte d’autonomie ne fasse pas l’objet d’actions spécifiques. Et le 2eme point c’est l’outil numérique ICOPE qui permet justement de s’auto-évaluer, d’identifier des fragilités très en amont, et donc d’avoir des mesures de prévention très ciblées. Je ne vais pas m’étendre trop là-dessus mais cet outil fonctionne déjà dans certaines régions et il est question de le généraliser avec la loi « Bien Vieillir » qui a commencé à être examinée à l’Assemblée en avril et qui est suspendue pour le moment… Donc peut-être pourrait-on avancer aussi sur ces points sans perdre plus de temps.

Malheureusement, il semble bien que ce qui nous fait surtout avancer trop lentement dans la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées, c’est le cadre institutionnel toujours aussi brumeux. Sur la coordination des acteurs de terrains, ça commence à se stabiliser autour des CLIC et des DAC, et tant mieux ! Nous nous réjouissons d’ailleurs que cette délibération et les propos de Madame la Vice-Présidente nous rassurent sur la pérennisation et le financement des CLIC. Cependant, il faut aussi tenir compte des périmètres territoriaux de ces structures, certains interviennent sur des territoires plus grands, plus denses, que d’autres et le montant nécessaire au fonctionnement doit être adapté si besoin.

Le cadre institutionnel pourrait également évoluer prochainement avec la loi en cours de préparation qui s’inspire fortement du Rapport Libault et devrait voir arriver la mise en place des « Services Publics Territoriaux de l’Autonomie » en articulation avec un service public national. Cette loi ne sera pas la fameuse loi « Grand Âge » promise par le Président de la République en 2017, certains parlementaires ont déjà dénoncé son manque d’ambition, mais elle pourrait quand même nous amener à adapter encore nos dispositifs locaux. Le problème n’est évidemment pas chez nous, au Conseil Départemental, une ou deux délibérations supplémentaires ce n’est pas le sujet, mais c’est aux professionnels de l’autonomie que je pense, à tous les services d’aide à domicile, d’aide aux aidants, aux soignants, dont le métier est d’être aux côtés des personnes âgées, et non de revoir les dispositifs et procédures tous les quatre matins.

Donc la question que je pose est simple : est-ce que l’architecture que nous votons aujourd’hui va bien dans le sens de ces futurs services publics territoriaux de l’autonomie ? Ou est-ce que nous devrons l’an prochain revenir sur ces plans pluriannuels et voter d’autres orientations ?

Enfin, cette délibération soutient clairement des actions de lutte contre l’isolement des personnes âgées et je voudrais saluer à cette occasion les acteurs essentiels du lien social que sont les centres sociaux. Ce week-end avait lieu à Lille l’AG nationale des centres sociaux, et manifestement le Ministre Jean-Christophe Combe n’a pas su convaincre et n’a pas passé un bon moment à Lille hier matin… J’espère que nous, Département du Nord, savons davantage être un soutien infaillible auprès des centres sociaux du nord qui sont des acteurs essentiels dans nos territoires, dans nos villes, dans nos quartiers. Ils sont, comme les CCAS, des maillons essentiels auprès des publics âgées pour tout ce qui relève de la prévention et du lien social, ils sont les lieux des ateliers Phosphor’Age la plupart du temps, des lieux d’échange et de connaissance sur l’autonomie et il faut reconnaître leur expertise et leur action contre l’isolement.

Je voudrais pour terminer soulever 2 sujets dont j’espère qu’ils seront traités dans la catégorie « actions innovantes » pour lutter contre l’isolement des personnes âgées : le premier c’est celui de l’innovation sociale et participative, dont la coopérative Chibanis à Roubaix est un bel exemple. Et le 2ème, c’est plus globalement la question des quartiers en Politique de la Ville, et en particulier ceux qui connaissent des opérations ANRU : comment garantir le maintien des liens sociaux, des liens de voisinage pour les personnes âgées, alors que se jouent des opérations de relogement qui peuvent faire perdre tous leurs repères à des personnes âgées en perte d’autonomie ? Nous pensons qu’il faudra avoir une attention toute particulière à ces problématiques et nous voudrions que cela se traduise par des financements spécifiques aux communes ou associations qui doivent faire face.

Comme je le disais en commençant mon intervention, le groupe écologiste pense que toutes ces dispositions vont dans la bonne direction, nous voulons soutenir évidemment toutes les actions de prévention de la perte d’autonomie et de lutte contre l’isolement et nous voterons donc cette délibération importante.

Je vous remercie.