Session du Conseil Départemental du 21 novembre 2022
Par Céline Scavennec, pour le groupe écologiste,
Monsieur le Président,
Monsieur le Vice-président Patrick Valois,
chers collègues,
Le CESER a organisé le 8 novembre dernier un colloque intitulé “Vers une grande politique de l’eau en Hauts de France”.
La Voix du Nord a consacré un cahier central la semaine dernière sur l’eau et il y a encore eu un article publié ce matin, et à vrai dire nous suivons tous les jours dans la presse locale les inquiétudes des nordistes à l’égard de cette sécheresse interminable et des nappes phréatiques qui ne “remontent” pas malgré la pluie d’automne.
Le sujet de l’eau occupe le devant de la scène médiatique dans le Nord depuis quelques mois et si c’est le signe d’une véritable prise de conscience, alors c’est une bonne chose.
Ce qu’on sait aujourd’hui, parce qu’on a le recul de 3 années de sécheresses consécutives, et parce qu’il n’y a plus de recharge hivernale et les nappes souterraines ne se remplissent plus, c’est que le changement climatique revoit en quelque sorte son comportement. Comme le disait Mme Emma Haziza au colloque du CESER, il ne « remonte » pas du Sud au Nord, mais on est face à un emballement climatique car l’atmosphère a du mal à se refroidir. Tous les chiffres des dernières études scientifiques ont été révélés lors de ce colloque, je vous y renvoie pour plus de détails.
M. Valois, vous avez bien posé les choses lors du dernier COPIL Nord Durable, en invitant les différentes parties prenantes, notamment l’Agence de l’eau, la Chambre de commerce et d’Industrie, la Chambre d’Agriculture, et nous, élu-e-s nous représentons les citoyennes et les citoyens, habitants, usagers quotidiens d’eau potable. Car l’eau se partage.
Vous nous avez invités, M. Valois à apporter notre contribution en tant que groupe politique dans ce débat, nos collègues du groupe communiste Charles Beauchamp et Jean-Claude Dulieu l’ont déjà fait et nous vous transmettrons aussi notre contribution au nom du groupe écologiste. Mon propos aujourd’hui ne concerne qu’un des aspects du sujet : comment le Département du Nord compte-t-il faire face à la pénurie d’eau qui touche certains territoires et par conséquent certaines activités agricoles ?
Nous avons déjà perdu la bataille de la qualité de l’eau, on l’a entendu avec l’Agence de l’eau lors de ce COPIL Nord Durable, la reconquête du bon état écologique de l’eau va prendre des décennies. Donc la protection des champs captants du Nord est une priorité absolue pour éviter que cela ne s’aggrave davantage. Mais je dis que nous avons déjà perdu cette bataille, tant que nous continuons d’empoisonner les sols…
Et nous avons aussi désormais un problème quantitatif, d’où cette question du partage : à qui donner notre eau en priorité ? A l’énergie ? à l’industrie ? A l’agriculture ? Dès lors, laquelle ? Ce sont des choix de société qu’il faut regarder avec discernement et sans idéologie.
Il ne faudrait pas, par exemple, considérer que si certaines « solutions » sont combattues vaillamment par les écologistes, c’est que c’est forcément pour vous la voie à suivre. On commence à entendre une petite musique qui parle de « retenues d’eau » ou de « bassines ». Personne ne veut de ZAD, personne ne veut non plus suivre le modèle californien d’irrigation, et nous voulons vraiment être constructifs dans ce débat.
Il y a un exemple très instructif dans ce Département sur un sujet pas très éloigné, c’est l’histoire de l’ADOPTA à Douai. Vous connaissez ça par cœur Monsieur le Président, quand dans d’autres territoires (chez nous dans la Métropole en l’occurrence) on s’obstinait dans des solutions techniques coûteuses de bassins d’orage souterrains jamais assez volumineux, à Douai on reprenait les choses à la racine en revenant au cycle de l’eau, aux noues, à l’infiltration à la parcelle, etc… Et aujourd’hui c’est l’expertise de l’ADOPTA que toutes les collectivités appellent.
C’est juste un exemple qui montre que nous avons surtout intérêt à travailler autour de la connaissance du cycle de l’eau, intérêt à travailler avec des experts, mais qu’il va falloir prendre des décisions radicales si nous voulons vraiment sauver ce qui reste à sauver et accompagner les transitions de manière concertées mais rapides.
C’est désormais « la dépendance » à l’eau qui va conditionner nos politiques publiques, disait l’hydrogéologue Emma Haziza au colloque du CESER, dépendance qui suscite indéniablement des tensions environnementales, mais aussi sociales, territoriales, économiques et démocratiques. Est-ce qu’on est toujours dans le champ de Nord Durable ?
Donc Monsieur le Président, quel sera le rôle du Département dans ce domaine de la préservation de la ressource en eau ?