Vote Contre – Intervention de Stéphanie Bocquet et Laurent Perin
pour le groupe écologiste Europe Ecologie Les Verts –Génération.s
Stéphanie Bocquet :
Monsieur le Président, chèr.es collègues, mesdames, messieurs,
Une intervention à deux voix, Monsieur le Président : pour ma part, au titre de plusieurs politiques publiques relevant des « solidarités humaines », puis mon collègue Laurent Périn interviendra plus précisément sur la politique RH et votre projet de réorganisation de la DG Solidarités.
Aujourd’hui, donc, premier budget primitif de notre mandat : nous l’avions dit lors de la présentation du ROB fin janvier, ce moment est important car il doit montrer la vision et l’ambition que nous avons pour les Nordistes ; il doit montrer également comment nous faisons face au contexte global, contexte qui s’est plus qu’alourdi depuis 25 jours.
Aujourd’hui, nous regrettons à nouveau, l’absence de présentation d’un Plan Pluriannuel d’Investissement qui permettrait d’avoir une vision globale sur la durée du mandat.
Le budget est la mise en œuvre d’un PPI.
Vous nous répétez à l’envi que les orientations sont conformes à ce PPI : ne l’ayant pas sous les yeux, permettez-nous d’en douter et de douter de l’existence même d’un PPI.
Mais revenons à ce premier budget « Solidarités humaines ».
Concernant l’ambition pour le retour à l’emploi : je le répète ici, les écologistes ne sont pas contre le travail mais portent leur attention notamment sur le type d’emploi et dans quelles conditions il est exercé.
Parce que nous devons faciliter l’accès à toute personne à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être notamment pour l’alimentation, le logement, les soins médicaux ainsi que les services sociaux nécessaires.
Ainsi, à la lecture des dépenses de fonctionnement de la délégation Insertion, nous notons une baisse de 33,4 millions d’euros par rapport à 2021, laquelle est due à la réduction du nombre d’allocataires du RSA (95 498 foyers en janvier 2022).
Une baisse qui s’explique principalement dans le contexte national de reprise économique en 2021 (-7,8% de foyers allocataires entre octobre 2020 et janvier 2022 à l’échelle nationale contre -10,1% à l’échelle du Nord) mais aussi et toujours, nous le maintenons, une baisse entretenue par une logique de défiance envers ces allocataires, logique entraînant radiations et suspensions.
Ajoutons à cela, une politique de « retour à l’emploi » qui se fait au détriment de l’accompagnement social dont une partie des allocataires du RSA a avant tout besoin.
Monsieur le Président, comment alors se satisfaire d’une telle baisse de moyens quand le non-recours au RSA n’est même pas mentionné dans votre Budget primitif ?
Une politique à contrario des enseignements du dernier rapport de la Cour des comptes sur le RSA en janvier 2022, qui rappelle une « atteinte insuffisante du public cible » avec un taux de non-recours estimé à 30% au niveau national, rapport qui propose notamment d’expérimenter l’automatisation de l’information d’éligibilité probable à l’allocation et appelle à une meilleure adaptation de l’accompagnement et de son intensité aux difficultés individuelles.
Une baisse vient ainsi compenser une hausse, la baisse relative au RSA venant équilibrer le budget d’autres aides individuelles de solidarité.
L’objectif de maîtriser ces aides était effectivement noté dans le ROB, ce que nous avions alors dénoncé.
Concernant la politique Enfance, famille, jeunesse, nous espérons que la mise en application de la loi relative à la protection des enfants (loi du 7 février 2022) se traduise rapidement par une revalorisation salariale et des conditions de travail des assistantes et assistants familiaux de notre département.
Concernant l’accueil des mineurs non accompagnés, (MNA), nous nous interrogeons sur un budget constant, un budget au même niveau que l’an dernier ; au vu de la guerre en Ukraine, il est à craindre que le nombre de mineurs non accompagnés augmente lourdement.
Concernant les politiques Handicap et Autonomie des Seniors, nous attendons les conclusions de la Mission d’information et d’Evaluation (MIE) relative à l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA), conclusions qui nous seront présentées à la rentrée et qui, nous l’espérons, répondront aux besoins actuels et surtout ceux à venir, lesquels, nous le savons toutes et tous, sont nombreux et divers.
Enfin, concernant le Fonds de Solidarité Logement :
Vous proposez de le maintenir à 5,6 millions d’euros pour 2022.
Si la révision du règlement intérieur du FSL est bienvenue (au travers de la délibération qui sera vue demain) et dans le contexte actuel de hausse des coûts de l’énergie, contexte qui ne va pas s’arranger avec la guerre en Ukraine, le groupe écologiste propose d’abonder les aides financières consacrées à la prévention de la précarité énergétique :
- en élargissant le plafond de ressources auquel sont soumis les ménages pour recevoir les aides ;
- en augmentant le montant de ces aides.
Ceci, en attendant une tarification sociale de l’énergie (les premiers KWh gratuits).
La forte hausse des coûts de l’énergie a des impacts budgétaires également sur le parc immobilier départemental et dans les collèges.
Une politique de transition énergétique est plus que jamais nécessaire : rappelons ici que c’est l’inaction qui coûte cher, c’est l’inaction qui est punitive pour nos concitoyennes et concitoyens.
Le coût de l’énergie augmente sans discontinuer depuis des mois (18,6 % au global, 41 % pour le gaz, 21 % pour l’essence et 3 % pour l’électricité selon l’Insee) et le contexte géopolitique actuel augure de nouvelles hausses.
La transition énergétique est un moyen d’assurer notre souveraineté en la matière, et de limiter notre vulnérabilité aux variations des prix dues aux turbulences géopolitiques.
Monsieur le Président, nous appelons :
- à assurer l’alimentation des bâtiments départementaux et collèges en électricité renouvelable locale et coopérative ;
- à systématiser les diagnostics énergétiques par équipement ;
- à renforcer les moyens alloués à la rénovation thermique des bâtiments départementaux et collèges ;
- à y développer la production d’énergies renouvelables ;
- à créer une société d’économie mixte (SEM) participant au financement de parcs de production d’énergies renouvelables ;
- et enfin, nous appelons à faciliter le montage de projets de production d’énergie renouvelable citoyens.
Alors que le GIEC nous rappelle pour la énième fois l’ampleur de la catastrophe à venir et que la guerre en Ukraine vient souligner la fragilité de nos dépendances énergétiques, il est grand temps d’agir localement pour maîtriser nos consommations et produire de façon territorialisée.
Voilà ce que nous mettons, Monsieur le Président, derrière les mots ambition et responsabilité.
Ce que va compléter mon collègue Laurent Périn, à qui je passe la parole.
Je vous remercie.
Intervention de Laurent Perin :
Dans le cadre de cette séance, nous entendrons beaucoup de chiffres, de termes techniques pour évoquer les différentes politiques du département. C’est l’exercice obligé de la présentation du budget. Mais nous tenions à rappeler que derrière ces chiffres, ces lignes budgétaires, il y a des femmes et des hommes qui œuvrent au quotidien pour le bien et l’avenir des nordistes. Nous tenions à remercier simplement, mais sincèrement, les agentes et agents du département mobilisés sans relâche.
Merci car la période de crise sanitaire a pesé énormément sur les missions au cœur des compétences du département : le social, la prévention, la solidarité.
Et le moins que l’on puisse, c’est que l’exécutif a une façon singulière de reconnaître l’investissement de ses agents. En effet, il semblerait que l’année 2022 soit marquée par votre projet de réorganisation de la DG Solidarités qui concerne environ 2/3 des agents du Département. Nous utilisons le conditionnel car à cette heure, vous n’avez pas jugé utile d’informer les élus que nous sommes. En même temps, pourquoi en serait-il différemment des élus, que pour les agents et leurs représentants.
Pas de concertation. Pas d’association.
Vous voulez passer en force une réforme de cette ampleur, pour une mise en œuvre de l’organigramme au 1er septembre 2022. Pourquoi une telle précipitation et si peu d’association des agents, des cadres. Cette méthode à marche forcée entraîne inévitablement une forte inquiétude des agents concernés, qui craignent une remise en cause du sens même de leur métier, notamment les travailleurs sociaux.
Sur le fond, votre projet de réorganisation vise uniquement une mise en cohérence de l’organisation administrative avec les priorités de votre exécutif. Mais sans prendre en considération les besoins des usagers, surtout au niveau des UTPAS qui deviendraient des « Maisons Nord Services » (dont l’intitulé prête à confusion avec les maisons France-Services et n’évoque en rien les missions de prévention et d’action sociale, cœur de métier des agents de terrain).
Cette réorganisation promeut une logique dite en « silo » très verticale sans aucune transversalité ; transversalité qui avait pourtant été soulignée dans le cadre des travaux de l’UTPAS de demain. Cette démarche aurait du être utile pour une concertation à la hauteur. Mais la crise sanitaire et la multiplication des visios n’ont pas permis les échanges nécessaires et surtout pas d’écoute sincère des attentes des agents.
Il est sans doute nécessaire de réfléchir à une nouvelle organisation de la DGSOL, revoir les liens, et l’adapter aux évolutions de notre société, aux besoins de notre public. Mais cela doit faire l’objet d’un travail de concertation étroite avec les organisations syndicales et agents.
Les inquiétudes et les colères sont aujourd’hui nombreuses. Nous relayons les fortes craintes des agents du Service social départemental qui seraient rattachés à la DGA Insertion et retour à l’emploi, que cette réorganisation remette en cause les fondamentaux du travail social et qu’elle se fasse au détriment de l’approche globale et généraliste du travail social, de la polyvalence de secteur et d’une prise en compte de l’usager dans sa globalité.
Mr Poiret, il faut revoir votre copie, laisser le temps à un dialogue solide.
Le Groupe écologiste soutient et continuera à soutenir la mobilisation des agents sur ce sujet.
Et s’il fallait résumer notre état d’esprit, nous dirions qu’il est nécessaire de prendre soin de ceux qui prennent soin de nous chaque jour.
Et sur ce point, comment ne pas aborder la situation du SDIS. A plusieurs reprises (aussi bien dans le cadre du renouvellement de la convention pluriannuelle que lors d’une question d’actualité), nous vous avons alerté sur le manque criant de moyens.
Même si nous saluons une évolution budgétaire favorable (avec une augmentation des dépenses de fonctionnement de 1,6% et le versement d’une subvention d’équipement de 4 million d’euros), sur la question des effectifs, nous sommes encore très loin du compte.
En effet, les événements climatiques récents (les tempêtes Eunice et Franklin) ont malheureusement montré les limites des services d’incendie et de secours dans le département du Nord : des services d’appels saturés, des interventions retardées.
Nous le savons : la fréquence et l’intensité de ces crises naturelles vont augmenter rapidement du fait du réchauffement climatique, notamment dans le département du Nord.
Les réponses doivent donc être de long terme et viser à rétablir un service public solide.
Sur la question des effectifs des Sapeurs-Pompiers Professionnels, la « réflexion posée par le SDIS sur une éventuelle modification de la cible » mentionnée dans le budget primitif, doit, très rapidement, se traduire concrètement par une hausse des effectifs et un recrutement à la hauteur des urgences actuelles.
Le groupe écologiste réitère son souhait que l’écriture de la future convention de partenariat associe les personnels du SDIS et soit l’occasion de mettre en place un plan pluriannuel d’embauche de sapeurs-pompiers professionnels.
Plus généralement , sur les effectifs départementaux d’agents permanents, nous notons le maintien des emplois budgétaires par rapport à l’année 2021 (avec un total de 8167 emplois), mais nous nous interrogeons sur le nombre d’agents non-titulaires toujours plus importants.
Pas un conseil départemental sans présentation d’une délibération de recrutement de contractuels pour occuper des emplois d’agents titulaires non pourvus. A chaque fois, vous nous assurez qu’il s’agit d’un procédure de recrutement dérogatoire sensée répondre aux difficultés, aux « tensions sur le marché du travail ».
Mais quand une procédure, qui ne devrait être qu’exceptionnelle (sur certaines missions très spécifiques) devient courante, il est logique de s’interroger sur les raisons réelles de ces difficultés de recrutement.
Nous vous demandons donc d’ouvrir des échanges de fond sur ce point (aussi bien avec les représentants des personnels, les agents que les services des Ressources Humaines) pour mettre fin à cette contractualisation grandissante (qui précarise les salarié-e-s et dégrade le service public). Nous vous invitons également à vous inspirer des bonnes pratiques dans d’autres collectivités pour favoriser l’attractivité du département du Nord.
Enfin, dernier point, nous dénonçons la poursuite de votre politique d’externalisation des fonctions d’agent entretien.
La crise sanitaire a placé les agents d’entretien parmi les fonctions essentielles dans les lieux de travail. Elle plaide donc en faveur d’une revalorisation importante du travail des agents d’entretien : ils ne sont pas juste une charge intermédiaire dont le coût doit être réduit par la mise en concurrence. Ils sont au cœur de l’activité des administrations.
Le fonctionnement actuel des marchés très concurrentiels pousse aussi bien les prestataires que les donneurs d’ordres à dénaturer l’activité professionnelle des agents d’entretien. En effet, la recherche d’économies va passer par le renouvellement fréquent et opaque des prestataires.
Ces emplois d’agents d’entretien occupent une place disproportionnée parmi les travailleurs pauvres : un travailleur pauvre sur six est agent d’entretien.
Selon une enquête de l’Insee, les salaires annuels des agents publics en charge de l’entretien sont ainsi sensiblement meilleurs que ceux des salariés externalisés (respectivement 1308 euros, et 857 euros nets).
La croissance de l’externalisation impacte profondément les conditions d’emploi des agents d’entretien et la qualité du service rendu sans forcément apporter les gains monétaires espérés.
Pour améliorer cette situation, il est indispensable d’inverser ce processus d’externalisation.
Sur ce sujet, comme beaucoup d’autres, il est urgent que vous changiez de logiciel.